Méditations du 23 juin 2023

de Dominique Imbert-Hernandez

Culte musical sur l’espérance

Première lecture

1 Thessaloniciens 1, 1-5

1 Paul, Silvain et Timothée, à l’Eglise des Thessaloniciens qui est en Dieu, le Père, et dans le Seigneur Jésus-Christ : Grâce et paix à vous !

2 Nous rendons toujours grâce à Dieu pour vous tous, et nous faisons mention de vous dans nos prières. Continuellement, 
3 nous nous souvenons de tout ce qui vous caractérise : l’œuvre de la foi, le travail de l’amour et la persévérance de l’espérance de notre Seigneur Jésus-Christ, devant notre Dieu et Père. 
4 Nous savons, frères aimés de Dieu, que vous avez été choisis, 
5 car notre bonne nouvelle ne vous est pas arrivée en parole seulement, mais aussi avec puissance, avec l’Esprit saint et avec une pleine conviction. De fait, vous savez comment nous avons été parmi vous, pour votre bien.

Première méditation

Nous nous souvenons de tout ce qui vous caractérise : l’œuvre de la foi, le travail de l’amour et la persévérance de l’espérance.
La foi, l’amour et l’espérance, nous nous rappelons surtout la première lettre aux Corinthiens : Ainsi donc, ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour ; la plus grande, c’est l’amour. Dans la lettre aux Thessaloniciens, ces trois vertus théologales, c’est-à-dire en rapport d’origine et de sens avec Dieu, sont chacune associée à un autre substantif, le tout pour caractériser les Thessaloniciens.
L’œuvre de la foi : nous pouvons entendre là à la fois que la foi œuvre en celui ou celle qui croit et que celui ou celle qui croit œuvre dans et selon la foi. La foi transforme et met à l’œuvre. Elle transforme parce que la confiance en la confiance de Dieu envers chacun et chacune produit une confiance en soi dénuée d’orgueil et de suffisance. Cette confiance en soi permet au croyant de se tenir parmi les humains d’une manière juste et responsable.
La foi met donc à l’œuvre car elle relie non seulement à Dieu mais aussi à autrui, aux prochains, aux frères et sœurs. Ce lien est vivant car il est expression d’une vie reçue en partage, une vie dont le flux embrasse toute vie.
Le travail de l’amour : qui aime est travaillé par l’amour qui le rend plus attentif, plus compatissant, plus présent. Également, l’amour agrandit l’espace intérieur de qui aime. Aimer nous rend plus grand que ce que nous pensons être ; grand et avec souplesse !
En même temps, l’amour met au travail car l’amour n’est pas tant un sentiment qu’un engagement au bénéfice de la vie d’autrui. Il n’est pas de force plus puissante que celle de l’amour, c’est du moins ce que disent les poètes et Jésus de Nazareth, et l’apôtre Paul, une puissance qui n’est pas une domination évidemment, mais une puissance de création et de vivification.
La persévérance de l’espérance : comme la foi et l’amour, l’espérance est ouverture intérieure à plus que soi, à la trace, au Souffle de Dieu pour chacun et chacune. Qui a le premier et le dernier mot sur moi, sur tous, sur toute chose ? L’espérance répond que c’est le Dieu de Jésus-Christ. La foi assure et répond à l’appel vivifiant de Dieu, l’amour relie dans la bonté et pour la vie, l’espérance signe la confiance en la source de bonté et de vie qui ne faillira pas. Elle assure le maintien de la foi et de l’amour dans la continuité du temps et particulièrement dans les épreuves.  Avec la persévérance, il est question de fidélité et de durée. La fidélité à la Parole fondatrice et créatrice de l’être et la durée comme persistance de l’être chaque jour, aujourd’hui, demain, après-demain, chaque jour.
C’est dire que pas plus que la foi ou l’amour l’espérance n’est une idée, un concept abstrait : il s’agit d’une attitude existentielle, d’une manière d’être au monde qui est portée par ce qui constitue la personne, le croyant, et qui témoigne de ce qui porte le croyant. Existentielle, cette manière d’être est profondément dynamique, mobilisatrice.

Deuxième lecture

Romains 4, 13-25

13 En effet, ce n’est pas au moyen de la loi que la promesse d’être héritier du monde a été faite à Abraham ou à sa descendance, c’est par la justice de la foi. 
14 Car si les héritiers sont ceux qui relèvent de la loi, la foi est vidée de son sens et la promesse est réduite à rien. 
15 En effet, la loi produit la colère ; et là où il n’y a pas de loi, il n’y a pas non plus de transgression.

16 Donc c’est en vertu de la foi, pour qu’il s’agisse d’une grâce, afin que la promesse se confirme pour toute la descendance, non seulement pour ceux qui relèvent de la loi, mais aussi pour ceux qui relèvent de la foi d’Abraham — lequel est notre père à tous, 
17 ainsi qu’il est écrit : J’ai fait de toi le père d’une multitude de nations. Il l’est devant le Dieu qu’il a cru, celui qui fait vivre les morts et qui appelle à l’existence ce qui n’existe pas.

18 Espérant contre toute espérance, il a cru et il est ainsi devenu le père d’une multitude de nations, selon ce qui avait été dit : Telle sera ta descendance. 
19 Sans faiblir dans la foi, il considéra son propre corps déjà atteint par la mort — il avait près de cent ans — et le ventre mort de Sara. 
20 Mais face à la promesse de Dieu il n’hésita pas, dans un manque de foi ; au contraire, rendu puissant dans la foi, il donna gloire à Dieu, 
21 pleinement convaincu de ceci : ce que Dieu a promis, il a aussi le pouvoir de le faire. 
22 C’est aussi pourquoi cela lui fut compté comme justice.

23 Mais ce n’est pas à cause de lui seul qu’il est écrit : Cela lui fut compté, 
24 c’est aussi à cause de nous, à qui cela va être compté, nous qui croyons en celui qui a réveillé d’entre les morts Jésus, notre Seigneur, 
25 qui a été livré pour nos fautes et réveillé pour notre justification.

Deuxième méditation

Avec la figure d’Abraham, nous retrouvons l’espérance comme fidélité. Abraham a écouté la parole de Dieu lui promettant une descendance. L’espérance d’Abraham, c’est sa fidélité à cet événement, cette promesse qui a suscité sa foi. L’espérance c’est notre fidélité à l’événement qui fait naître notre foi, quel que soit cet événement et la manière dont il est intervenu dans notre vie. L’espérance, c’est la fidélité au Dieu qui crée puisque la personne croyante a été suscitée comme sujet singulier, unique, précieux, par la grâce, la justice, la confiance de Dieu.
Cette fidélité à un événement fondateur, et à celui qu’il a révélé, c’est espérer, et même espérer contre toute espérance lorsque les vents deviennent contraires, lorsque l’obscurité s’installe, lorsque la peur étend son emprise.
Abraham était bien vieux, Sara aussi. Comment espérer la naissance d’un enfant ?
Mais l’espérance n’est pas l’espoir que quelque chose va arriver, même quelque chose de beau, de bon, d’extraordinaire car l’espoir repose que ce que nous ou quelqu’un ou le monde peut faire. L’espérance n’est pas non plus l’attente car l’attente se fixe sur ce qui est attendu et s’épuise lorsque rien ne vient.
L’espérance n’a rien à voir avec l’optimisme qui pense que ça ira mieux demain, qui use de formules un peu magiques pour conjurer le malheur, pour endurer l’épreuve.
Le corps d’Abraham atteint par la mort a fécondé le ventre mort de Sara. L’espérance est la confiance que Dieu tient parole.
Cela n’ira pas mieux demain, ni dans deux semaines. Pourtant, Dieu tient parole.
Qu’est-ce qui nous est promis ? À quoi pouvons-nous tenir dans les tempêtes de notre temps ?
Le Christ ressuscité promet à ses disciples : je serai avec vous jusqu’à la fin des temps. Ce n’est pas la fin des temps qui est promise et placée en perspective du temps et de la vie des croyants. C’est l’être avec eux du Christ, de la Parole de Dieu qui est puissance de création de Dieu. L’apôtre Paul l’exprime autrement dans la lettre aux Romains au chapitre 8 : Rien ne pourra jamais nous séparer de l’amour que Dieu nous a manifesté en Jésus-Christ. Cet amour qui ne doit rien à nos mérites et rien au monde mais qui œuvre en nous. L’espérance, c’est que nous demeurons orientés, inspirés par l’amour de Dieu, par la Parole qui est appel à vivre dans le présent quel qu’en soient les circonstances. L’espérance, c’est qu’il y a du sens selon l’Évangile en toute circonstance et si ce n’est pas la promesse que ça ira mieux, nous pouvons faire le choix de la vie, de l’amour, de la confiance. Même si cela coûte, même si cela ne fait pas tomber les vents contraires, même si cela ne dissipe pas toute l’obscurité. L’espérance, c’est une manière d’être humain selon la vocation que l’Éternel adresse à chacun, à chacune.
L’espérance, c’est un grand « malgré » dressé par chaque existence espérant, aimante, confiante. Malgré ce qui rompt les liens d’humanité, malgré l’aveuglement pour que rien ne change, malgré la résignation et la fatalité, malgré les prétentions à tout attendre de soi et des autres, nous espérons. L’espérance, c’est la possibilité d’une brèche dans ce qui s’impose comme inévitable, inéluctable mais qui n’est que défaite de l’humain. Nous n’espérons pas la fin des temps, nous espérons pour le présent, pour ce qui arrive, qui est déjà là, pour nous y tenir en fidélité au Dieu de Jésus-Christ, au Dieu de vie.

Troisième lecture

Hébreux 6, 13-20

13 En effet, comme Dieu, en faisant la promesse à Abraham, ne pouvait jurer par un plus grand que lui, il jura par lui-même, 
14 en disant : A coup sûr, je te comblerai de bénédictions et je te multiplierai.

15 C’est ainsi qu’après s’être montré patient Abraham obtint ce qui avait été promis. 
16 En effet, les humains jurent par ce qui est plus grand qu’eux, et le serment, en confirmant leur parole, met un terme à toute contestation. 
17 En ce sens, Dieu, décidé à donner aux héritiers de la promesse une preuve supplémentaire du caractère immuable de ses décisions, intervint par un serment, 
18 afin que, par deux choses immuables, dans lesquelles il est impossible que Dieu mente, nous ayons un puissant encouragement, nous dont le refuge a été de nous attacher à l’espérance qui nous était proposée. 
19 Cette espérance, nous l’avons comme une ancre solide et ferme pour l’âme ; elle pénètre au-delà du voile, 
20 là où Jésus est entré pour nous comme un précurseur, devenu grand prêtre pour toujours, selon l’ordre de Melchisédek.

Troisième méditation

La reprise de la figure d’Abraham par l’auteur de la lettre aux Hébreux croise celle de Melchisedeq, le visiteur d’éternité qu’Abraham bénit, le roi de paix et de justice auquel Abraham verse la dîme. Visiteur d’éternité, roi de paix et de justice, c’est une figure interprétée par celle de Jésus-Christ. Par le moyen de ces relais de figures, l’auteur de l’épitre déplie la perspective poétique du passage du voile. Le voile c’est le voile du temple de Jérusalem qui fermait le saint des saint, le lieu de Dieu, le voile qui est déchiré à la mort de Jésus. C’est ainsi que les évangélistes raconte le passage ouvert entre Dieu et les humains, passage ouvert par le Christ vers l’éternité l’autre temps d’un autre monde qu’on appelle le Royaume. L’espérance est ce qui nous fait passer à la suite du Christ vers le Royaume, ou encore elle fait lien entre l’humain et le divin : dans le temps présent, l’espérance qui est confiance en la fidélité de Dieu, qui est enracinée dans la Parole de Dieu, nous fait ressentir le goût du Royaume.
C’est pourquoi elle est l’ancre de l’âme, au plus intime de l’être. Quand les espoirs sont déçus, et les grandes espérances humaines aussi que ce soient celle du progrès qui aurait dû mener vers une humanité apaisée, celle de la religion qui parle d’un Dieu tout-puissant décidant des événements, celle des idéologies politiques qui promettent des temps nouveaux, l’espérance demeure proposée comme un refuge pour ne pas perdre pied.
Au temps de l’épreuve, pour ne pas se retrouver perdu, hors de sens, sans orientation, pour ne pas partir à la dérive de n’importe quel courant, l’espérance est l’ancre de l’âme. Elle maintient l’humain humain parce que sur l’espérance qui est passage le Christ vient en nous et que Dieu espère en nous
Nous pouvons parfois trembler, faiblir, et notre âme être effrayée, mais Dieu a béni et bénira encore, il nous a élargi et nous élargira encore. Il nous encouragera à vivre encore chaque jour de ses dons de confiance et d’amour. Nous le ressentons lorsqu’un sentiment de paix intérieure nous habite ou lorsque nous discernons ce qui est juste, ou lorsque nous reconnaissons la bonté, le Souffle, et que des humains y respirent, et alors nous vient l’énergie d’être présents.
Celui ou celle qui espère ne s’isole pas, ne se retire pas même dans la contemplation, mais s’engage, agir, travaille, participe. Oui celui ou celle qui espère prend sa part, c’est sa manière d’être, sa réponse à la vocation d’être humain et de vivre.