Prédication du 6 juin 2021
(Culte raccourci pour l’AG)
de Dominique Hernandez
What a wonderful world
Lecture biblique
Psaumes 104, 24-33
24 Que tes œuvres sont nombreuses, SEIGNEUR ! Tu les as toutes faites avec sagesse ; la terre est remplie de tout ce que tu as produit.
25 Voici la grande et vaste mer : là fourmillent sans nombre des animaux petits et grands ;
26 là se déplacent les bateaux et Léviathan, que tu as façonné pour jouer avec lui.
27 Eux tous mettent leur espoir en toi, pour que tu leur donnes leur nourriture en son temps.
28 Tu la leur donnes, et ils la recueillent ; tu ouvres ta main, et ils sont rassasiés de biens ;
29 tu te détournes : ils sont saisis d’épouvante ; tu leur retires le souffle : ils périssent et retournent à leur poussière.
30 Tu envoies ton souffle : ils sont créés, et tu renouvelles la terre.
31 Que la gloire du SEIGNEUR subsiste toujours ! Que le SEIGNEUR se réjouisse de ses œuvres !
32 Il regarde la terre, et elle frissonne ; il touche les montagnes, et elles fument.
33 Je chanterai pour le SEIGNEUR tant que je vivrai, je chanterai pour mon Dieu tant que j’existerai.
Prédication
Le Psaume 104 est magnifique, et je vous invite à ne pas vous contenter des quelques versets lus ce matin mais à le lire en entier. Son ampleur, aux dimensions de la terre entière, de la totalité des vivants, animaux et végétaux, est également réduite dans ces quelques lignes, mais nous en avons assez lu pour nous concentrer sur deux mouvements particuliers de ce psaume.
Le psaume 104, comme psaume de la Création, considère l’univers entier et donc en particulier la terre, planète, et ce qu’elle porte entièrement, comme étant en lien avec Dieu. Ceci est beaucoup plus essentiel et dynamique que la compréhension littérale d’un dieu fabriquant. Dieu en lien, en relation, cela exprime bien la notion de sens que recouvre le mot de Création, y compris dans ses dimensions d’ordre, de forme, d’éclairage, de spiritualité. Le sens va bien au-delà de la matérialité, au-delà de l’instinct. Le sens saisit, il est adopté, il oriente, il tient, quelle que soit la situation dans laquelle se trouve l’humain.
Ainsi donc, le lien exprimé dans ces versets est une relation réciproque, relation de don, don de Dieu aux créatures, relation de confiance et de gratitude de la part des créatures vers Dieu.
Ce qu’évoquent particulièrement les versets lus ce matin, c’est le don de la nourriture et le don du souffle, la nourriture qui rassasie et le souffle qui vivifie.
La louange du psalmiste naît de ce qu’il y a sur la terre, dans la nature et par la culture/agriculture, de quoi nourrir toutes créatures, tous vivants. Pour une grande part, cette abondance ne dépend pas de l’humain puisque même l’agriculture s’appuie sur les potentialités des plantes et des animaux. La part humaine, la part agricole, en déploie les possibilités et les organise au mieux. L’intelligence, la compétence, la capacité d’innovation des humains sont ainsi associées, intégrées à l’abondance dispensée, une abondance considérée, du point de vue de la Création, comme don de Dieu pour la vie des vivants. Il y a sur terre, dans la terre, une énergie, un foisonnement qui ne dépendent pas de nous, dont nous bénéficions comme tous les êtres vivants. Il ne s’agit pas de nier les sécheresse ou les inondations, mais de ne pas oublier que nos existences d’humains ne sont pas soumises par ce qui survient, mais destinées à être accordée à la bonté originelle qui est la toile de fond de la Création.
A cette abondance de don répond l’ampleur de la louange du psaume qui s’étend des étoiles du ciel à la profondeur des mers, des bouquetins aux cèdres du Liban, des cigognes aux poissons et même au mythique Léviathan, à la fois monstre marin et jouet de Dieu…
Si le psalmiste a un point de vue humain, il n’est pas anthropocentré. Il est un parmi d’autres : son point de vue est englobant. Il ne considère pas seulement ce qui sert son intérêt, mais ce qui bénéficie à toute créature. Si aux versets 13 à 18, que nous chanterons tout à l’heure, il évoque le pain et le vin qui réjouit, ceux-ci sont entourés de la mention de l’herbe pour le bétail et de celle des majestueux cèdres du Liban qui croissent hauts, plantés qu’ils sont dans une bonne terre.
Certainement pouvons-nous nous dire aujourd’hui et surtout en milieu urbain,
qu’il manque à beaucoup d’entre nous la possibilité de regarder les processus de la nature selon les saisons,
qu’il manque des potagers et des observations en forêts, l’attention aux animaux plutôt qu’aux vidéos de chatons,
qu’il manque, plus généralement, la curiosité pour tout ce qui n’est pas notre activité humaine et la conscience de ce qui n’est pas à portée de notre vue. Nous ne manquons pourtant pas de moyens de connaître tout cela et de l’accueillir dans notre compréhension du monde, grâce à notre intelligence d’humains.
La prière de louange, l’action de grâce, pas seulement lors du culte, est une manière de demeurer dans l’orientation du bon signé sur la Création. Elle exprime la gratitude pour le souffle qui vivifie, qui rend vivant non pas par hasard, mais pour une vie orientée dans la logique du don.
La prière de louange, l’action de grâce est un exercice spirituel.
Prière pour élargir nos regards et nos intelligences, voire même décaler notre point de vue d’humain de notre intérêt à ce que nous recevons et partageons. Ainsi le psalmiste déclare au début de son chant : Mon Dieu, tu es très grand ! La grandeur de Dieu ne relève pas d’une formule incantatoire visant à conjurer l’angoisse d’être petit en s’accrochant à un dieu grand. Elle n’est pas non plus une menace pesant sur les vivants et surtout pas un argument à jeter à la face de quiconque. La grandeur de Dieu signifie autant son altérité que l’abondance de ses dons, et cette conviction nous permet de dilater notre esprit au-delà de ses replis d’égoïsme et de convoitise, dans la relation que la grandeur divine ouvre en notre âme.
Action de grâce pour ne pas lâcher le sens de la Création qui rassemble tous les êtres vivants en communauté placée sous le sceau un « cela est bon » originel et ainsi, ne pas se laisser envahir par la peur des disparitions ou des dangers et des risques, par la peur de l’avenir. La dynamique est positive, sans pour cela nier risques et dangers et même l’angoisse. L’action de grâce dispose nos esprits à la joie dans nos différentes manières d’engager notre responsabilité d’humains. Ce qui nous porte et nous appelle, ce n’est pas l’annonce d’une catastrophe, c’est ce BON, c’est un amour, c’est la grâce.
Louange pour renouveler et prendre soin de notre capacité à nous émerveiller et à nous étonner, puisqu’autant la convoitise rétrécit et irrite l’esprit humain, autant la gratitude l’élargit et l’apaise.
Alors je chanterai, tant que je vivrai, tant que j’existerai ! Je chanterai ce monde merveilleux, ce merveilleux monde créé, what a wonderful world ! C’est peut-être même la vie qui devient chant, l’existence qui devient mélodie, accordées à la vaste musique de la Création, à l’harmonie profonde de l’univers.