Prédication du 23 mars 2025
Culte raccourci pour l’AG de l’association cultuelle
de Dominique Imbert-Hernandez
Levez la tête !
Lecture : Luc 21, 25-36
Lecture biblique
Luc 21, 25-36
25 Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et, sur la terre, une angoisse des nations qui ne sauront que faire au bruit de la mer et des flots ;
26 les humains rendront l’âme de terreur dans l’attente de ce qui surviendra pour la terre habitée, car les puissances des cieux seront ébranlées.
27 Alors on verra le Fils de l’homme venant sur une nuée avec beaucoup de puissance et de gloire.
28 Quand cela commencera d’arriver, redressez-vous et levez la tête, parce que votre rédemption approche.
29 Il leur dit encore une parabole : Voyez le figuier et tous les arbres.
30 Dès qu’ils bourgeonnent, vous savez de vous-mêmes, en regardant, que déjà l’été est proche.
31 De même, vous aussi, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le règne de Dieu est proche.
32 Amen, je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive.
33 Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas.
34 Prenez garde à vous-mêmes, de peur que votre cœur ne s’alourdisse dans les excès, les ivresses et les inquiétudes de la vie, et que ce jour n’arrive sur vous à l’improviste,
35 comme un filet, car il viendra sur tous ceux qui habitent la surface de toute la terre.
36 Restez donc éveillés et priez en tout temps, afin que vous ayez la force d’échapper à tout ce qui va arriver et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme.
Prédication
Jésus parle des signes de la fin, ou plutôt des signes du début de la fin : dans le soleil, la lune, les étoiles, avec le bruit angoissant de la mer et des flots, et des humains terrifiés.
Depuis 4 mois, quatre gros cyclones sont passés rien que dans l’océan Indien : Chido à Mayotte, Jude au Mozambique, Honde à Madagascar, Garance à La Réunion. Et puis il y a deux jours, c’était la première journée mondiale des glaciers, dont la masse diminue dangereusement, en particulier pour les deux milliards de personnes qui dépendent d’eux pour l’eau dont elles ont besoin quotidiennement. Bon nombre de nos contemporains se demandent si ce n’est pas le début de la fin, interrogation renforcée par les guerres dévorant tant de vies, détruisant tant de lieux, et par les bruits de guerre résonnant tout près de nous.
Cependant, le langage apocalyptique employé par Luc est une figure de style et ne demande pas à être lu de manière littérale. Il nous est largement étranger mais son étrangeté n’en fait pas le porteur d’un message au sujet de la fin du monde, message plus ou moins caché dans des indices terrifiants. La peur et l’angoisse ont saisi nombre des générations précédentes soumises à des conditions insupportables dans l’obscurité de leur temps.
Pour nous aujourd’hui, il ne s’agit pas de scruter les événements et les processus en cours en y cherchant les preuves d’un scénario qui serait révélé dans la Bible, pour se prémunir contre le pire.
Il ne s’agit pas non plus de se voiler la face en reculant devant les épreuves et les nuages sombres qui s’amoncellent.
Pour le dire autrement, l’Évangile n’est ni un grand doudou ni un vaste bouclier de défense. Même si la recherche de l’un ou l’autre occupe beaucoup de temps et d’énergie car ce sont des tentations très séduisantes. Ce à quoi le Jésus de Luc exhorte ses disciples, c’est à regarder en face ce qui est et ce qui vient pour y être ses témoins, pour y vivre non selon la peur et la préservation de soi, mais selon la grâce et la confiance. L’Évangile nous appelle à vivre en dynamique entre ce que la venue au monde de Jésus le Christ a inauguré et nos mises en œuvre du monde autre qu’il a annoncé, et ce, dans le monde où nous vivons, quelles que soient les circonstances et les prévisions même celles qui disent que c’est le début de la fin. En la matière, la seule certitude au sujet de la fin est à l’horizon d’environ un milliard d’années, lorsque la lumière et la chaleur du soleil seront telles que la vie sur cette planète sera impossible. Le ciel et la terre passeront insiste le Jésus de Luc, mais mes paroles ne passeront pas. Tout passe, les empires, les ambitions de grandeurs, les conquêtes, tout cela ne peut pas être l’horizon de notre humanité ni de l’humanité dans son ensemble.
De toute manière, c’est toujours le début de la fin, comme chaque jour est le début de notre fin et même depuis le jour de notre naissance. Ce qui fait vivre, la dynamique de l’existence croyante repose en vérité non dans la fin plus ou moins proche ou lointaine, mais dans l’Évangile de grâce, dans la Bonne Nouvelle de la reconnaissance et de la confiance inconditionnelles.
Alors Jésus dit à celles et ceux qui l’écoutent : Redressez-vous et levez la tête. Restez éveillés.
Jésus en appelle au courage, quelque chose comme de l’audace, de la hardiesse, du cran, peut-être même une sorte de toupet, comme celui de la gratuité et celui de la gratitude dans un monde où tout s’achète et tout se vend. Le courage va toujours de pair avec la vigilance de regarder, de voir ce qui se passe pour ne pas être emporté dans ce que le Jésus de Luc désigne comme les excès, les ivresses et les inquiétudes de la vie, et pour résister, se distinguer des développeurs de haines, des diffuseurs de mensonges, des petits et grands abuseurs de pouvoir, des saccageurs de la planète, des destructeurs d’humanité.
Du courage, et la vigilance qui va avec : redressez-vous, levez la tête, restez éveillés, parce que chacun, chacune est digne, libre et responsable et parce que notre espérance n’est pas celle de lendemains qui chantent (et qui ne chantent pas souvent) mais espérance en la fidélité et la confiance du Dieu de Jésus-Christ. L’espérance qui prend corps en nous, c’est notre personne debout et éveillée. La reconnaissance et la confiance portée par la grâce permettent le surgissement de chaque personne comme sujet individuel ; c’est l’Évangile de la création, de la résurrection, de la libération, de la nouvelle naissance ; c’est la Bonne Nouvelle de Pâques, de Noël, pour chaque jour. C’est ce que Jésus de Nazareth n’a cessé de faire, de redresser celles et ceux que les contraintes et les épreuves avaient courbés, de permettre aux humiliés et aux apeurés de lever la tête, d’éveiller les consciences à l’humanité de soi et d’autrui ainsi qu’aux vecteurs d’injustice.
L’Église, les Églises, y compris dans leur visage local, comme ici, sont des lieux pour recevoir du courage, chacun, chacune et ensemble, pour développer la vigilance, affuter les regards, sentir que nous pouvons lever la tête. Les Églises, y compris dans leur visage local, comme ici, sont des lieux pour s’encourager mutuellement, de cultes en repas, de prières en dialogues, de participation à la communion en actions solidaires. L’assemblée générale qui commencera dans quelques instants est aussi un temps pour le vérifier ensemble. Pas seulement les comptes et le budget, pas seulement les nombres des activités, des intervenants, des événements. Mais aussi comment nous sommes encouragés, comment nous nous encourageons, si nous pouvons lever la tête, si nous restons éveillés.
Car l’Évangile est à la fois contestation et promesse et c’est à nous d’en être les signes. C’est cela notre tâche, être signes d’un monde autre pas pour plus tard mais maintenant, nous mettre à disposition du Souffle de vie, en disposition d’esprit pour vivre selon la volonté qui faisait parler et agir Jésus-Christ.