Prédication du 21 avril 2024
de Didier You
La résurrection selon Paul
Lectures : 1 Corinthiens 15, 3 -8, 12-23 et 42-45
Lectures bibliques
1 Corinthiens 15, 3 -8
3 Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais reçu moi-même : Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures.
4 Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures.
5 Il est apparu à Céphas, puis aux Douze.
6 Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois ; la plupart sont encore vivants et quelques-uns sont morts.
7 Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres.
8 En tout dernier lieu, il m’est aussi apparu, à moi l’avorton.
1 Corinthiens 15, 12-23
12 Si l’on proclame que Christ est ressuscité des morts, comment certains d’entre vous disent-ils qu’il n’y a pas de résurrection des morts ?
13 S’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité,
14 et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi.
15 Il se trouve même que nous sommes de faux témoins de Dieu, car nous avons porté un contre-témoignage en affirmant que Dieu a ressuscité le Christ alors qu’il ne l’a pas ressuscité, s’il est vrai que les morts ne ressuscitent pas.
16 Si les morts ne ressuscitent pas, Christ non plus n’est pas ressuscité.
17 Et si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est illusoire, vous êtes encore dans vos péchés.
18 Dès lors, même ceux qui sont morts en Christ sont perdus.
19 Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes.
20 Mais non ; Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts.
21 En effet, puisque la mort est venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts :
22 comme tous meurent en Adam, en Christ tous recevront la vie ;
23 mais chacun à son rang : d’abord les prémices, Christ, puis ceux qui appartiennent au Christ, lors de sa venue ;
1 Corinthiens 15, 42-45
42 Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, on ressuscite incorruptible ;
43 semé méprisable, on ressuscite dans la gloire ; semé dans la faiblesse, on ressuscite plein de force ;
44 semé corps animal, on ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel.
45 C’est ainsi qu’il est écrit : le premier homme Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam est un être spirituel donnant la vie.
Prédication
Introduction
Le temps de Pâques, où nous sommes encore, célèbre la Résurrection de Jésus, qui est LA base du christianisme, même si la Nativité a pris une grande place dans notre culture mercantile. Paul l’a écrit, je vous l’ai lu : Si Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vaine et votre foi aussi est vaine.
Il y a quelques années, ici même, je vous avais parlé de la Résurrection, et surtout des apparitions de Jésus ressuscité, telles que rapportées par les différents – très différents – Evangiles.
Aujourd’hui, je vous propose de partir du « catalogue » que Paul a dressé des apparitions du Ressuscité, et qui n’a rien à voir avec les récits des Evangiles.
Tout d’abord, nous allons remettre la première Epître aux Corinthiens dans son contexte historique et littéraire, avant que de voir ce que Paul veut nous dire à travers ces Corinthiens d’autrefois.
Le contexte
Paul a évangélisé Corinthe vers 50, durant son deuxième voyage missionnaire. Sa première Epître aux Corinthiens est un de ses textes les plus anciens. C’est un texte dense et touffus, dans lequel Paul aborde plusieurs sujets, en réponse ou en réaction à des situations locales que nous ne pouvons que deviner : interdits alimentaires, le mariage, la tenue des femmes dans les assemblées, l’eucharistie, la collecte (!) et donc la Résurrection.
On a toujours tendance à lire Paul à travers le prisme de nos souvenirs des Evangiles. C’est une erreur. Paul est mort vers 65, bien avant la rédaction du plus ancien Evangile, celui de Marc. Il ne les a pas lus. Notre ami Henri Persoz avait d’ailleurs écrit un livre où il explique que Paul, même si il a connu des traditions orales sur le Ministère terrestre de Jésus, ne s’y est pas intéressé.
Les destinataires des Epîtres non plus, n’ont évidemment pas lu les Evangiles.
Les Evangélistes ont-ils lu les Epîtres de Paul ? Vaste question. En tous cas, il est clair que Marc a eu connaissance de la première Epître aux Corinthiens, puisqu’il en a reproduit – presque – textuellement un chapitre, le n° 11, 23 s. dans lequel Paul retrace la Cène, seule allusion de Paul à Jésus de son vivant. Mathieu, puis Luc ont repris le texte de Marc. Mais, volontairement, Marc n’a pas retenu le « catalogue » des apparitions. Il n’y a pas d’apparitions du Ressuscité dans l’Evangile de Marc, du moins dans sa version d’origine. C’est sans doute pourquoi Mathieu, Luc, puis Jean vont proposer des récits aussi différents.
Pour énumérer ces apparitions, Paul ne cite pas ses sources « Je vous ai transmis ce que j’avais reçu »… C’est vague … Seule la dernière viendrait d’un témoin direct, Paul lui-même, « l’avorton ».
Paul, de plus ne donne aucune indication de lieu ou de circonstances. Tout au plus indique-t-il une chronologie. Les Evangélistes seront plus précis.
Paul ne dit pas plus quel était l’aspect, la forme visuelle du Ressuscité. Dans les Evangiles, Jésus apparaît vraiment sous une forme corporelle, physique : il a des pieds, devant qui se prosternent Marie de Magdala et l’autre Marie; on peut voir et toucher ses plaies; il mange pour démontrer qu’il n’est pas un fantôme. Certains ne le reconnaissent pas tout de suite, mais ils voient bien un être humain de chair et d’os.
Rien de tel ici. « Il a été vu », il « s’est fait voir » (le mot grec est « ophté », qui a donné ophtalmologie). Notons que Paul utilise le même mot pour les visions des Douze, des 500, de Jacques et des « apôtres », que pour lui-même qui n’a jamais prétendu avoir VU Jésus en chair et en os. Et Luc, biographe de Paul, ne le dira pas non plus. Qu’ont-ils VU ? Ils ont VU que Jésus était ressuscité. Nous n’en saurons pas plus.
En réalité, tout cela est une construction intellectuelle de Paul, trop bien construite pour être « historique ». Il y a Pierre (que Paul appelle par son nom grec « Cephas ») et les Douze Apôtres (Paul n’a jamais entendu parler de la trahison de Judas, ni de sa mort). 500 « frères » à la fois, dont certains sont encore vivants, Puis Jacques (le frère de Jésus), suivi de ceux que Paul appelle les « Apôtres », en réalité le groupe de missionnaires réunis à Jérusalem autour de Jacques.
Paul rend ainsi hommage aux deux chefs de la jeune communauté que l’on n’appelle pas encore « chrétienne », Pierre et Jacques, dont il reconnaît l’autorité, même si on sait qu’il a eu des rapports parfois tendus avec eux.
Le sens est clair : Paul veut convaincre les Corinthiens (et peut-être lui-même…) de la Résurrection de Jésus. Et pour cela, il invoque les autorités indiscutables des deux leaders et de témoins directs, les 500 dont la plupart sont encore vivants, et que l’on peut interroger. Et il se cite comme témoin oculaire. « Je l’ai vu moi-même » !
Parce que, je le répète, sans Résurrection, il n’y a pas de foi en Christ, de « christianisme », mot qui n’existe pas encore.
Qu’est-ce que la résurrection pour Paul ?
Les successeurs de Paul, Mathieu, Luc et Jean, pour donner de la crédibilité à leurs récits des apparitions du Ressuscité, rapportent des « petits faits » qui font « authentique » : Donnez-moi à manger, touchez mes plaies. Paul reste évasif. Son Ressuscité est abstrait, évanescent. Pourquoi ?
Il le précise peu après : la Résurrection de Jésus constitue les prémices de la résurrection future des croyants, ceux qui sont déjà « endormis » et ceux qui le seront.
Les Evangélistes, certes, annoncent la « vie éternelle » des croyants. Mais Paul parle bien de « résurrection ». Trop préciser l’aspect du Ressuscité serait préjuger de notre aspect lorsque nous serons à notre tour ressuscités.
C’est un scénario apocalyptique, de la fin des temps. Il le dit : Puis, ce sera la fin, et le dernier ennemi vaincu sera la Mort. Dans l’Epître aux Romains Paul explique : Dieu fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas.
Et Paul ne s’en tient pas là. Verset 35. « Comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? On voit que Paul ne recule pas devant les difficultés. Evidemment, on ne peut décrire la vie après la mort. Shakespeare parle du pays non exploré dont aucun voyageur n’a repassé la frontière (monologue d’Hamlet).
D’où l’astuce de Paul : une image tirée de l’agriculture : On est semé dans la corruption, et on ressuscite dans l’incorruptibilité. Il n’y a pas discontinuité entre la graine et la plante. C’est le concept du « corps spirituel » qui prendra la relève du corps charnel. Il est difficile d’en dire plus…
L’humanité a inventé des images pour représenter l’au-delà. Je n’en cite que quelques-unes : un ciel où pour l’éternité nous flottons entourés d’anges qui jouent de la harpe … Un banquet divin, le « Festin de Babette » peut-être … (pour un corps spirituel ?). L’écrivain Philip José Farmer (Cycle du Fleuve) a inventé une planète où reviennent à la vie TOUS les humains, à l’âge de 25 ans (c’est une création de démiurges extra-terrestres)…
Marc, repris par Mathieu puis Luc, rapporte le piège tendu par des Sadducéens à Jésus : Une femme qui a eu 7 époux successifs (sept frères) meurt. Duquel sera-t-elle l’épouse lors de la Résurrection ? Jésus les rembarre : Après la mort, il n’y aura ni époux ni épouse. « Ils seront comme des anges ». C’est toujours un peu vague.
Paul reste raisonnable en ne précisant pas.
Je ne peux guère en dire plus. Nous ne saurons ce qu’est l’au-delà, la vie éternelle, que lorsque nous y serons.
Conclusion
Comment conclure sans rester sur ce flou, cette constatation d’ignorance ?
Paul a utilisé une image, celle de la germination. Je vous en propose une autre tout aussi poétique : A la fin du Lion et le Vent de John Milius, premier film projeté au « Cinéma du Foyer de l’Ame », le chef berbère (Sean Connery !) fait ses adieux à l’Américaine (Candice Bergen), avec qui évidemment toute liaison est impossible : « Nous nous reverrons, Mme Pedecaris, lorsque nous serons deux nuages d’or dans le ciel ».
Voilà une image qui annonce des retrouvailles avec ceux qui nous sont chers. Un message d’espérance et de grâce.