Prédication du 15 décembre 2024
Fête de Noël
avec les jeunes et les enfants
de Dominique Imbert-Hernandez
L’ânesse de Balaam
Lecture : Nombre 22, 21-31
Lecture biblique
Nombre 22, 21-32
21 Balaam se leva au matin ; il sella son ânesse et partit avec les princes de Moab.
22 Dieu se mit en colère parce qu’il était parti ; le messager du Seigneur se posta sur le chemin pour s’opposer à lui. Balaam était monté sur son ânesse, et ses deux serviteurs étaient avec lui.
23 L’ânesse vit le messager du Seigneur posté sur le chemin, son épée tirée ; l’ânesse s’écarta du chemin et alla dans les champs. Balaam frappa l’ânesse pour la ramener sur le chemin.
24 Le messager du Seigneur se plaça alors dans un sentier entre les vignes ; il y avait une clôture d’un côté et une clôture de l’autre.
25 Quand l’ânesse vit le messager du Seigneur, elle se serra contre le mur et serra la jambe de Balaam contre le mur. Il la frappa de nouveau.
26 Le messager du Seigneur passa plus loin et se plaça dans un endroit resserré où il n’y avait pas de place pour s’écarter à droite ni à gauche.
27 Quand l’ânesse vit le messager du Seigneur, elle se coucha sous Balaam. Balaam se mit en colère ; il frappa l’ânesse avec son bâton.
28 Alors le Seigneur ouvrit la bouche de l’ânesse ; elle dit à Balaam : Que t’ai-je fait, pour que tu m’aies frappée par trois fois ?
29 Balaam répondit à l’ânesse : Tu t’es jouée de moi ! Si j’avais une épée à la main, je t’aurais tuée maintenant.
30 L’ânesse dit à Balaam : Ne suis-je pas ton ânesse, celle que tu as montée de tout temps, jusqu’à ce jour ? Ai-je l’habitude d’agir ainsi envers toi ? Il répondit : Non !
31 Alors le Seigneur ouvrit les yeux de Balaam : il vit le messager du Seigneur posté sur le chemin, son épée tirée ; il s’inclina et se prosterna face contre terre.
Prédication
Il y a des contes dans la Bible, comme celui de l’ânesse de Balaam qui voit le messager de l’Éternel et qui parle. Aussi le conte de Jonas, le prophète récalcitrant qui est avalé et recraché par un gros poisson. Ce sont des contes. Et les contes ne sont pas réservés aux enfants.
En plus, le conte de l’ânesse de Balaam est plein d’humour, ce qui est aussi une bonne manière de faire comprendre ce qu’on cherche à faire comprendre : des portraits, des situations dessinés en quelques traits avec un peu de rire, un peu de sourire.
Cela n’empêche pas qu’il soit question de choses très importantes. Comme dans ce récit où le messager de l’Éternel a une épée à la main. Cela signifie qu’il est question de vie ou de mort. Rassurez-vous, Balaam va poursuivre son chemin et son histoire. Quand il est question de vie ou de mort dans un conte de la Bible, cela ne désigne pas la vie et la fin de la vie. Cela signifie des manières d’être : l’une qui est vie, bienfaisante et relationnelle selon l’appel que l’Éternel adresse à chacun, et l’autre manière qui est désignée comme mort car elle se nourrit de malheur et produit du malheur.
Balaam est un devin, une personne importante au service des puissants pour les conseiller en pratiquant son art. Il est en chemin, sur ordre du roi de Moab dont les princes l’accompagnent. Balaam doit aller maudire le peuple d’Israël. C’est-à-dire prononcer des paroles de mal et de malheur, des paroles qui produiront du mal et du malheur.
Mais le voyage est plutôt agité : l’ânesse fait n’importe quoi et Balaam se met très en colère.
Balaam est devin, mais il ne voit pas le messager de l’Éternel qui barre trois fois la route.
Balaam ne réfléchit pas, il se laisse emporter par sa colère au point qu’il pourrait tuer l’ânesse s’il avait une épée. Heureusement qu’il n’en a pas. C’est le messager qui en a une.
L’ânesse, elle, voit le messager de l’Éternel : elle est clairvoyante, elle !
Elle fait ce qu’elle peut pour l’éviter : elle est sage, et quand elle ne peut plus faire autrement, elle se laisse tomber pour ne pas le bousculer. Elle est avisée.
Et puis elle parle, grâce à Dieu, et pas pour dire à Balaam qu’il est nul, qu’il ne voit rien et qu’il ne comprend rien et qu’il ne cherche même pas. Elle l’invite à remettre les pieds sur terre : elle est une bonne et fidèle ânesse au service de Balaam.
Balaam, lui, n’est ni clairvoyant, ni avisé, ni sage ; il est violent et il est en chemin pour maudire.
Dieu s’en mêle : il envoie son messager barrer le chemin et il fait parler l’ânesse.
Nous pourrions penser que l’ânesse est plus intéressante que Balaam, que Balaam devrait ressembler à son ânesse. Mais justement, c’est son ânesse, il est assis sur elle et elle le transporte sur le chemin ; finalement, ils sont tellement proches tous les deux… c’est une manière des contes et des récits bibliques pour évoquer une seule personne ; il y a deux personnages, mais on peut comprendre la même personne…
Car enfin, c’est l’ânesse qui tient lieu pour Balaam de conscience, de clairvoyance, d’intelligence, de sensibilité, d’ingéniosité.
L’ânesse, c’est la part de Balaam qui le rend humain sans malédiction, sans malheur, humain prêt à bénir, ce qu’il fera contre la volonté du roi de Moab.
L’ânesse, c’est la part de simplicité de cœur, d’humilité, de douceur de Balaam et Jésus de Nazareth, le Christ de Dieu dira un jour : Venez à moi car je suis doux et humble de cœur.
L’ânesse, c’est la part de Balaam qui choisit de renoncer à la violence, qui choisit la vie des vivants.
L’ânesse, c’est la part de Balaam qui se tient devant le messager de l’Éternel, ce qui est une manière de dire : devant Dieu.
C’est ainsi que selon les Écritures, l’ânesse est l’humanité de Balaam selon la volonté de l’Éternel.
Mais ce n’est pas tout : comme les ânes dans la Bible, l’ânesse est un animal de confiance, elle est un animal sans prestige, sans gloire et sans vanité, elle est un animal pour la paix (pas comme le cheval qui est un animal pour la guerre), finalement elle est un animal de bénédiction.
Nous comprenons pourquoi l’âne est associé à Jésus-Christ, quand il entre à Jérusalem, et avant selon une tradition extérieure à la Bible, dans la crèche, au moment de la naissance, là où se dit déjà qui est celui qui vient au monde : le prince de la paix. Paix sur la terre aux humains en qui Dieu prend plaisir ! c’est ce que chantent les anges aux bergers après leur avoir annoncé la naissance du Christ.
La naissance d’un enfant, la naissance de chaque enfant ouvre la voie à la compréhension et à la possibilité d’un monde fondé sur la bénédiction et l’amour plutôt que sur la malédiction et la violence. L’ânesse de Balaam nous parle, puisqu’elle parle ! de ce monde-là. La bénédiction, comme l’amour nous ouvre sur des opportunités nouvelles, des connexions favorables, des compassions, des services envers autrui. La bénédiction nous ouvre les yeux sur la beauté du monde et plus encore sur la beauté de l’âme de ceux que nous rencontrons.
Jésus le Christ révèle ce monde, encore mieux que l’ânesse, et il révèle le Dieu qui choisit la bénédiction et la vie des humains même quand ces derniers font un autre choix. Et l’obstination de Dieu à faire grâce, à bénir, à aimer, c’est ce que nous chantons et méditons à chaque Noël.