La cantate Süßer Trost, mein Jesus kömmt fut composée pour le 27 décembre 1725. Comme l’année précédente, l’humeur évolue au fil de ces jours de fêtes : après Noël, célébré de manière lumineuse et solennelle, les cantates sont plus recueillies ou méditatives.
Celle-ci, par exemple, ne déploie aucun véritable chœur, aucun portique majestueux. Si les quatre tessitures vocales sont représentées, c’est à tour de rôle qu’elles interviennent pour créer un climat très intime et pénétrant.
Reprocher l’absence de chœur serait déplacé. Bach ouvre sa cantate avec un monologue aux dimensions impressionnantes, qu’il serait impossible d’insérer ailleurs dans un enchaînement. Cet air initie toute la musique, avec lui le rideau se lève.
Etonnant caractère que le sien. C’est celui d’une berceuse agitée. Y sont associés en effet un chant très lent (Bach a noté molto adagio sur sa partition) et les mouvements de papillon fragile du traverso.
L’air est en deux parties : la première est chargée d’une douceur meurtrie, celle de l’âme désespérée que vient enfin consoler l’annonce du Sauveur, la seconde est plus rapide, revigorée et gagnée par la perspective du salut.
Le récitatif de basse a fonction d’articulation harmonique, on passe avec lui de ce premier air monumental -plutôt majeur triste- au second -plutôt mineur souriant.
Ce faisant, le regard se retourne vers le personnage de Jésus.
Le voici dans son dénuement, exprimé par la voix d’alto (caractéristique de ces emplois douloureux), rehaussée par le hautbois d’amour, dans un pas lent presque titubant. La deuxième partie de l’air se fait plus aérienne, exprimant ainsi le paradoxe de cette vulnérabilité qui est aussi promesse de salut.
Le dernier récitatif joue aussi de la symétrie dans sa rhétorique : si Jésus a quitté l’abri du Ciel, c’est au croyant de lui offrir une forteresse en son cœur.
Cette idée -et plus globalement toute cette cantate empreinte d’une grande tendresse- oriente le choix du choral final.
Ici pas de louange puissante mais un caractère populaire et modeste. Bach choisit un choral de Nikolaus Herman, contemporain de Luther au ton naïf, qui composa de nombreux chants destinés non pas au service liturgique mais à la pratique domestique, pour la foi chez soi ou à l’école.
La strophe précédente, l’avant-dernière donc, de son choral Lobt Gott, ihr Christen, alle gleich (Louez Dieu, chrétiens, tous ensemble) dit à peu près ceci :
il sera serviteur et moi seigneur
vous parlez d’un échange !
on ne peut pas imaginer meilleur
que le petit Jésus adoré.
Christian Leblé
La présentation complète de chaque cantate jouée dans ce cycle au temple du Foyer de l’Âme est accessible sur le site Les Cantates.