La cantate Preise, Jerusalem, den Herrn ! fut composée pour célébrer le 30 août 1723 l’installation du nouveau Conseil municipal de Leipzig. Le gouvernement de la ville était probablement renouvelé partiellement chaque année et l’élection était l’occasion d’une cérémonie officielle à l’église. Bach -installé à Leipzig depuis quelques mois- composa pour l’occasion cette cantate, calquée sur celles qu’il donnait chaque dimanche à l’office.
Cas de figure de l’obligation officielle. Point de contact entre le sacré et le profane. Invocation d’un divin «brut» : tutélaire, protecteur, presque sans allusion à sa spécificité chrétienne.
Le déploiement sonore est évidemment ample : quatre trompettes (presque du jamais vu), timbales, bois, cordes, continuo fourni, interventions chorales multiples. Dans une tonalité rutilante de do majeur, une route bien dégagée, sans dièse ni bémol, premier symbole d’un avenir voulu radieux.
La cantate s’ouvre, majestueuse, par une ouverture à la française, encadrée par de brillantes interventions des cuivres et développée en un chœur fugué d’abord solennel puis plus concret. Le texte de ce premier chœur, parfois surprenant par ses images, est tiré de la Bible (Psaume 147, 12-14).
Le discours va progresser, comme dans une cantate sacrée, en une succession d’argumentations -les récitatifs- débouchant sur des confirmations -les airs.
Le ténor, ainsi, explique les nombreuses qualités de la ville comme les signes d’une bénédiction divine. Son air offre ensuite à cette idée (déjà formulée dans le premier chœur) une traduction sensible : Wohl dir! chanté sur un intervalle descendant suggère une révérence, les hautbois de chasse apportent un caractère terrestre, presque villageois. La musique prend ainsi le pas sur les mots.
Réapparition du grand dispositif sonore avec un retentissant appel de tous les vents, pour annoncer la basse qui explique maintenant que cette prospérité offerte par Dieu a le Conseil municipal et son autorité pour bras séculier. Les flûtes deviennent instruments principaux de l’air d’alto.
Hommage est maintenant rendu par la soprano aux élus quittant le Conseil et à ceux qui vont reprendre leur charge et leurs soucis, sous le regard de la population reconnaissante qu’un chœur vient incarner.
De nouveau, la même alliance dans ce chant de louange : un début solennel évoquant le Seigneur, puis un traitement plus populaire, comme des vœux de bonne année. La mélodie qui structure le chœur est celle du choral Nun danket alle Gott, un des chants chrétiens les plus connus, forgé au XVIIe siècle par le théologien Martin Rinckart, grande figure de la Réforme.
L’alto conclut la cantate par un inattendu retournement de situation : bref récit où la musique jusqu’ici univoque vient soudain se tordre. Imploration fragile et humble. On était bien à l’église. Le choral final traduit cette intention en une prière collective.
Christian Leblé
La présentation complète de chaque cantate jouée dans ce cycle au temple du Foyer de l’Âme est accessible sur le site Les Cantates.