Histoire des lieux
L’église locale, membre de l’Église Protestante Unie de France et de tradition réformée, entend rester fidèle au projet de son créateur, le pasteur Charles Wagner :
« Nous appellerons notre nouvelle maison le Foyer de l’Âme. Ce sera dire à chacun : «Qui que tu sois, frère et passant, paix sur toi, paix sur l’inconnue divine qui se cache sous la bure de ta souffrante humanité ! Entre ici ; tu ne seras l’hôte d’aucune famille étroite, mais celui de toute la grande famille militante et blessée, battue, mais invincible ; tu seras l’hôte de Dieu et ton âme sera chez elle ! »
D’origine alsacienne, Charles Wagner (1852-1918) est arrivé à Paris dans les années 1880. À l’initiative du Comité libéral, il est d’abord affecté à la paroisse réformée du Marais, rue Saint-Antoine, mais ses exigences théologiques et critiques le poussent vers la création d’un foyer de recherche et de prière original, en direction d’un public diversifié. Il reçoit l’appui de nombreux bons esprits du temps, le philosophe Edouard Schuré, l’éditeur Fischbacher, le directeur de l’école alsacienne Théodore Beck, ainsi que l’élite protestante venue d’Alsace après 1870, de Mulhouse en particulier, intellectuels et industriels influents, avec le soutien aussi des familles ouvrières protestantes du faubourg Saint-Antoine. De leur côté les pasteurs Jalabert, Roberty, Rouville et Thomy Fallot, figures marquantes du protestantisme de ce temps-là, lui marquent leur sympathie. En 1885 Charles Wagner ouvre donc rue des Arquebusiers, non loin de la Bastille, son premier centre de prédication et de prière. Sept ans plus tard la communauté s’installe plus au large dans un ancien local commercial qui pouvait accueillir deux ou trois cents auditeurs, et ce temple reçoit le nom d’Église réformée évangélique libérale du boulevard Beaumarchais (au n° 92). Le succès du lieu est considérable. Le public s’y presse, en quête de valeurs de partage puisées dans la lecture et l’interprétation des textes bibliques. Dans un dialogue avec son ami Ferdinand Buisson, futur Prix Nobel de la paix, il définit ainsi la vocation de la paroisse en devenir :
« Le protestantisme libéral est une tendance qui non seulement applique à la religion la méthode de libre et permanente recherche, mais demande à ses adeptes de se conquérir, par la réflexion et par l’étude, des convictions individuelles, de soumettre leurs croyances à l’épreuve perpétuelle de leur conscience et de leurs lumières nouvelles. »
La réputation de prédicateur de Charles Wagner ne cessait de s’élargir. L’un de ses livres, La vie simple, traduit en plusieurs langues, enthousiasma si fort le président Théodore Roosevelt qu’il l’invita en 1904 aux États-Unis pour une tournée de conférences qui rassembla des milliers d’auditeurs. Dès lors il peut mettre en route un nouveau projet de temple, plus vaste, plus adapté à ses fonctions. La société immobilière dite « des Arquebusiers » collecte les fonds dans le but d’acquérir un lot d’ateliers désaffectés, rue Daval, dans le tronçon devenu plus tard, par décision municipale, rue du Pasteur-Wagner. Réalisation rapide : l’inauguration officielle du bâtiment a lieu le 17 mars 1907.
Sobriété de l’architecture, simplicité et discrétion. L’austérité voulue de la façade contraste avec la luminosité de la salle de culte dont le plafond translucide évoque les grandes verrières « Art Nouveau », comme celle des Galeries Lafayette édifiées à la même époque. La chaire et la très ancienne Bible, en position axiale, symbolisent la force de la Parole. Quant à l’orgue, c’est un superbe instrument d’excellente facture (Cavaillé-Coll), dont la restauration complète s’est achevée courant 2009. Le dispensaire gratuit, installé dès l’origine au premier étage, a aujourd’hui disparu, mais la paroisse s’efforce de perpétuer l’esprit de solidarité sociale qui avait animé son fondateur.
Attachée à cet héritage, la communauté du Foyer de l’Âme se veut fidèle aux valeurs d’espérance chrétienne ainsi qu’aux principes du libéralisme théologique :
« Primauté de la foi sur les doctrines, vocation de l’homme à la liberté, constante nécessité d’une critique réformatrice, désir de réaliser une active fraternité entre les hommes qui sont tous, sans distinction, enfants de Dieu. »
Elle affirme ainsi son désir de vivre le protestantisme au sein de l’Église protestante unie de France, tout en maintenant la vocation d’accueil et d’ouverture de Charles Wagner.