Le bulletin de l’Amitié de juillet 2024
vous propose des livres pour l’été
Le Mot de l’Amitié du mois de juillet 2024 « La longueur et la largeur d’un livre » par la pasteure Dominique Imbert-Hernandez fait écho aux propositions de lecture de l’édition d’été du bulletin de l’Amitié.
Voici donc plusieurs recommandations de lectures offertes par plusieurs amis du Foyer de l’Âme, que vous trouverez dans le bulletin de l’Amitié du mois de juillet.
Pour en savoir plus sur l’Amitié, rendez-vous sur la page qui lui est dédiée.
« L’Étranger »
d’Albert Camus
livre choisi par Jean-Pierre Capmeil
Quand j’ouvre les pages jaunies de l’édition 1972 de l’Étranger d’Albert Camus, me revient en mémoire le choc que j’ai ressenti en lisant ces mots « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas ». J’étais alors en seconde, dans un prestigieux lycée privé parisien auquel, venant de mon collège catholique de banlieue, je me sentais étranger. Le cycle de vie dans lequel j’entrais après une enfance et un début d’adolescence protégée me donnait une impression de solitude et de perte de repères.
Cette phrase mythique est revenu dans ma vie un matin de février 2014 pour annoncer une triste nouvelle à mes proches. Et ces quatre mots, « aujourd’hui, maman est morte », sonnaient « comme quatre coups brefs frappés sur la porte du malheur ».
Mais la découverte de l’Étranger a aussi été une rencontre coup de foudre avec l’homme, Albert Camus. Ses engagements constants, sa droiture inflexible, sa sincérité profonde, tout me parlait en lui. Et il est resté, depuis, un maître, un compagnon de route, un ami qui me permet de vivre debout, « solitaire mais solidaire ». Et, aujourd’hui, il se pourrait que le livre de ma vie, soit celui que je suis en train d’écrire sur Albert Camus…
« Vie et destin »
de Vassili Grossman
livre choisi par Bernard Calvino
Depuis des années, je reste marqué par la puissance de Vie et destin plus que par tout autre livre. C’est un hymne à la liberté, par sa qualité d’écriture et par les réflexions fondamentales qu’il apporte sur l’histoire du XXème siècle, au travers de la description de deux univers extrêmes : le nazisme et le communisme.
C’est d’abord un formidable récit de guerre, celui de la bataille de Stalingrad. Mais c’est aussi un tableau approfondi de la société humaine rencontrée dans le contexte de ces deux systèmes totalitaires : la faiblesse et les lâchetés des personnages dont on suit l’évolution au cours de la narration.
Tel le comportement de ce physicien qui se croit arrivé au sommet de la science et des honneurs qui y sont associés, mais qui finalement déchante et se retrouve ramené au même niveau que le physicien moyen, malgré la naïve satisfaction puérile d’un appel téléphonique de Staline dont il est pourtant convaincu qu’il est un tyran.
La description extraordinaire des camps de concentration nazis comme des camps du Goulag caractérise le fondement horrible de ces deux systèmes politiques. Ce livre a failli ne jamais être publié car le KGB a tenté de le faire disparaître en 1961. Heureusement non, car c’est une formidable réflexion sur l’histoire du XXème siècle.
« Manifesto »
de Léonor de Récondo
livre choisi par Elisabeth Geiger
C’est sans doute l’un des romans qui m’aura le plus marquée. Depuis cette lecture, je ne cesse de me demander pourquoi j’ai tellement été bouleversée par ce récit, et je ne cesse de l’offrir à des personnes proches, qui souvent sont en train de vivre la disparition d’un parent…
Dans ce livre, Léonor de Récondo dresse un portait de son père, Felix de Recondo, peintre et sculpteur, en alternant avec beaucoup de naturel, la période de ses derniers jours à l’hôpital et tout le reste de sa vie, son oeuvre, ses relations, sa personne.
J’ai été happée par ce récit, presque en larmes à la fin de chaque chapitre, prête à le lire d’un seul souffle. Je crois bien que ces larmes n’étaient pas des larmes de tristesse, mais bien liées à la douceur avec laquelle Léonor écrit et décrit ces moments, son père, sa mère et toutes les personnes liées de près ou de loin à sa famille.
Est-ce ma propre incapacité à envisager le vieillissement et la fin de vie de mes proches qui m’a tellement touchée à cette lecture ? Est-ce le fait d’avoir connu Felix ? Je ne peux y répondre, mais je me souviens que la dernière fois que je l’ai vu, c’était sur les bancs du temple du Foyer de l’Âme, venu écouter une cantate de Bach…
« Lettres d’amour »
de Robert et Clara Schuman
livre choisi par Aurélie Liu Tang
« Chacune de tes pensées provient de mon âme, de même que je te dois toute ma musique. […] La postérité doit nous regarder comme un seul cœur et une seule âme. » Voici comment s’adresse Robert Schumann (1810-1856) à sa femme Clara Wieck (1819-1896).
Un seul cœur et une seule âme, en effet, c’est bien par et dans la musique que se joue la communion des âmes entre ces deux pianistes et compositeurs romantiques allemands. La correspondance dont il est ici question regroupe des lettres allant de la rencontre entre Robert et Clara jusqu’à la période de leur mariage en 1840. Amour et musique sont indissociables lorsque l’on parle des Schumann : lui, le compositeur de génie et elle, la pianiste virtuose. Dans un mouvement réciproque, les deux musiciens sont sources d’inspiration mutuelle et ils n’hésitent pas à reprendre des motifs l’un de l’autre dans leurs compositions, créant ainsi une conversation intérieure à deux voix, immensément riche en vie, en amour et en spiritualité.
Adoration, passion, dévouement, (im-)patience, obstacles, tempêtes, liberté et art ne sont que quelques mots pour tenter de décrire la dynamique créatrice dont témoignent ces deux êtres dans leur complémentarité.
« Moby Dick »
d’Herman Melville
livre choisi par Christian Pénisson
Bien que, pas plus que d’autres, ce livre ne m’ait converti, orienté ou transformé, il m’a accompagné tout au long de ma vie. Ce n’est pas le seul, mais c’est la plus ancienne de mes relations, celle dont chaque lecture me fait à la fois revenir à celui que j’ai été et m’ouvre des horizons nouveaux, renouvelle le plaisir de retrouver des personnages, des scènes, des réflexions ou des paysages familiers, ou m’en fait découvrir de nouveaux. Les liens entre les hommes, ou entre eux et moi, s’approfondissent à tous ces nouveaux voyages ; avec les femmes aussi, qui ne sont pas bien nombreuses, mais qui prennent de l’importance au fil des ans, l’évolution des mentalités s’imposant ainsi entre le récit et moi.
Il en va de même de la pensée religieuse d’Ishmaël, le héros, ou de Meville, que je trouvais un peu naïve dans mes premières années et qui me paraissent de plus en plus profondes, de son analyse économique de la pêche, de mon attachement à la baleine blanche, de la folie du capitaine Achab. Et toujours cet émerveillement des scènes de débâcle et désolation, de sérénité et de douceur, d’enfermement sur le bâtiment et d’ouverture à l’humanité et au monde entier. Et le flux et le reflux des phrases qu’on a envie de lire à haute voix et de faire gronder ou murmurer comme l’océan.