Les mots doux de Dieu
Raphaël Georgy
Raphaël Georgy est journaliste à l’hebdomadaire Réforme
et assistant de recherche sur l’islam à l’Université catholique de Lyon.
… Ou comment la poésie peut nous faire grandir spirituellement.
Combien d’entre nous ont déjà été confrontés à des croyants obtus qui nous reprochent de ne pas souscrire à telle confession de foi antédiluvienne la main sur le cœur ? Le Foyer de l’Âme, lui, ne s’y est pas trompé. Dans sa nouvelle charte d’octobre 2020, vous déclarez au sujet de votre temple : « Nous voulons que chacun s’y sente à son aise et aimons entendre la Parole comme une poésie qu’on a plaisir à écouter pour éclairer notre réflexion et nos vies ». Oui, nous avons parfois besoin d’un regard poétique. À fortiori, lorsque nous tâchons de poser des mots sur le divin.
En effet, par ses jeux littéraires, la poésie dit sans dire. Elle appelle l’imagination du lecteur pour combler les blancs. Elle invite le croyant à un voyage au-delà des mots. Des mots qui ne sont plus des murs, comme dans l’esprit de ces croyants plus chrétiens que le Christ, mais des fenêtres. Ou comme l’icône orientale qui engage à ne pas s’arrêter à elle, mais à la traverser pour aller vers l’invisible.
Erreur fatale que de confondre Dieu et les moyens d’y accéder, car le divin ne se laisse accéder que par des médiations. La nature, l’art, la raison, les autres, la musique, la poésie… Et Jésus, le porteur de la Parole par excellence.
Il est certes crucial d’employer un langage précis lorsqu’il s’agit de raisonner avec patience et rigueur. Mais il est tout autant requis d’éviter des querelles sémantiques qui, au lieu de nous rapprocher du but, nous en éloignent.
Mais c’est aussi dans son éloge de la douceur que cette charte est intéressante. En associant d’un même souffle la poésie, l’écoute de la Parole et le fait de « se sentir à son aise», elle suggère une chose fondamentale : si Dieu veut faire connaître sa volonté à l’être humain, il ne saurait le faire par la contrainte. La douceur ouvre l’autre ; la brusquerie le ferme. Qu’on laisse donc de côté les beaux parleurs aux propos définitifs qui, dès que l’élan est retombé, laissent leurs auditeurs sur leur faim. Car comme disait Gide, « l’on ne laisse jamais d’imposer qu’à défaut de preuves ».
Pour aller plus loin
L’article de Raphaël Georgy, paru dans Réforme le 24 septembre 2020, « Divines poésies : en quête de la juste parole spirituelle« .