En vérité
Dans sa Déclaration de foi de 2017, l’Église protestante unie de France « atteste que la vérité dont elle vit la dépasse toujours ».
Selon cette compréhension, la vérité ne relève ni du domaine judiciaire, ni du domaine scientifique, ni d’aucun autre domaine revendiquant une autorité en cette matière, ce qui comprend également le domaine religieux. Ce dernier est particulièrement puissant en ce qui concerne cette notion puisque sa revendication englobe l’existence humaine dans son ensemble, de l’origine de toute chose à l’au-delà, ce à quoi ne peuvent prétendre les autres domaines recherchant une vérité.
La vérité en matière de foi ne consiste pas donc pas en un contenu : celui d’un savoir dont il s’agirait de rendre compte avec des majuscules attestant que la Vérité est ceci ou cela. Elle n’est pas non plus réduite à la subjectivité de chacun ou chacune, ma vérité rejoignant ou s’opposant à la tienne, comme un argument d’assurance personnelle.
L’évangile selon Jean met en scène, lors du procès de Jésus, un échange entre le gouverneur romain Ponce Pilate et l’homme de Nazareth au cours duquel les questions et les réponses se croisent et rebondissent sans que les deux interlocuteurs ne se rencontrent jamais sur un terrain, une notion, un monde communs. L’échange se termine sur la célèbre question de Pilate : Qu’est -ce que la vérité ? , question accrochée à la double affirmation précédente de Jésus : Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité entend ma voix . Le prologue de l’évangile introduisait déjà la vérité comme une antécédence que Jésus-Christ révèle et qu’il désigne à Pilate comme origine de l’existence.
Une origine ne se saisit pas, nul ne peut se l’approprier, seulement se tenir avec elle dans un rapport de confiance, d’écoute, d’espérance. L’Église unie reconnaît ainsi la vérité comme reposant en Dieu seul. Elle peut se tenir dans l’humilité de ne pas la , de ne pas le revendiquer pour elle seule, de ne pas s’en croire détentrice. C’est aussi une manière de ne pas s’enfermer dans un dogmatisme forcément réducteur, voire destructeur, et de ne pas se concentrer sur elle-même.
Alors qu’abondent fake news, post-vérité et conspirationnismes de toutes sortes, il y a là quelque chose à tenir et à partager.
Dominique IMBERT-HERNANDEZ