Les concerts du mois – Mai 2024
Les Cantates
Dimanche 5 mai
à 17h30
Cantate BWV 120
« Gott, man lobet dich in der Stille »
La cantate Gott, man lobet dich in der Stille fut composée par Bach pour célébrer l’élection du conseil municipal de Leipzig. Tradition d’un monde croyant, les édiles étaient bénis et -comme au Nouvel An- les habitants sollicitaient à cette occasion la protection divine.
Cette cantate, probablement remaniée d’une plus ancienne, fut jouée à plusieurs reprises dans ce contexte.
Tradition encore, c’est une citation des Psaumes qui ouvrait cette cérémonie en musique. Mais, alors qu’on s’attendrait à un déploiement fastueux, dans lequel Leipzig s’admirerait autant qu’elle louerait Dieu, un air -certes virtuose- inaugure cette cantate.
C’est que le librettiste de Bach a introduit dans son texte une nuance qui ne figure pas dans l’original biblique (Psaume 65,2) : le silence.
Bach imagine donc une double ouverture surprenante : tout d’abord ce singulier air d’alto, avec de ferventes vocalises en expansion infinie et le rythme joyeux des deux hautbois, puis un grand chœur puissamment orchestré, manifestation collective, éruption enthousiaste d’une foi reconnaissante.
La signature de ce moment polyphonique intense, ce sont ses grandes gammes ascendantes, aussi chorégraphiques que des bras qui se lèveraient, hissant les vœux de la communauté vers le Ciel. Bach devait être content de son travail, puisqu’il réutilisa cette musique dans sa Messe en Si pour symboliser la résurrection des morts.
La cantate s’articule donc par pairs : après ces deux premières interventions contrastées viennent un récitatif de basse et un air de soprano. Le récit, limpide et calme, paraphrase le psaume d’ouverture tout en ramenant les auditeurs aux circonstances présentes, la prise de fonction du conseil municipal. Il associe Leipzig -surnommée ici Lindenstadt, la ville aux tilleuls- à Sion ou Jérusalem et sollicite pour elle la bénédiction de Dieu.
La simplicité de l’air est un miroir de l’humilité des hommes devant Dieu. Le chant est ample, innocent dans son balancement ternaire. Il répond à une double nature : Heil und Segen (salut et bénédiction), l’imploration est répétée avec espoir et chaque fois portée un peu plus haut, pour atteindre le Ciel sur la pointe des pieds et y déposer sa requête ; le mouvement s’inverse ensuite, et des vocalises descendantes suggèrent la profusion divine. Le violon ne fait pas autre chose tout au long de cet air : comme un dieu invisible il régale la communauté de son abondante générosité. Il faut souligner aussi ce vœu tout terrestre : que justice, loyauté et amitié scellent les actes des autorités.
C’est lui qui infléchit la fin de la cantate. Un récitatif plus tourmenté que le premier reprend cette idée d’un combat entre méchanceté et justice et le choral final semble souligner le devoir des hommes auxquels l’aide de Dieu est indispensable. À la lumière de tout ce qui précède, c’est une ultime argumentation plutôt qu’un point final. Bach avait d’ailleurs prévu dans sa partition qu’une dernière intervention des cuivres et des timbales, honorifique, viendrait conclure cette cérémonie.
Christian Leblé
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