Les concerts du mois – Juin 2018
L’intégrale des cantates de Bach
Le dimanche 3 juin à 17h30
Cantate BWV 179 – “Siehe zu, dass deine Gottesfurcht nicht Heuchelei sei”
Coordination artistique Freddy Eichelberger,
cf. ci-dessous la présentation de la cantate par Christian Leblé.
La fête de la musique au Foyer de l’Âme
Présentation de la cantate BWV 179
La cantate Siehe zu, dass deine Gottesfurcht nicht Heuchelei sei est composée par Bach à Leipzig pour l’office du 11e dimanche après la Trinité, le 8 août 1723.
On peut dire que les paroissiens se font passer un savon. L’évangile du jour est la parabole du pharisien et du publicain (Lc 18, 9-14) : le Christ raconte une scène au temple dans laquelle s’opposent les attitudes des deux hommes. Le premier, hautain, s’acquitte de sa foi comme d’une formalité, le second est méprisé (le publicain est le percepteur de l’époque) mais il est sincère dans son repentir. C’est sur lui qu’il faut régler sa conduite.
La cantate s’ouvre sur une sorte de maxime, citation biblique tirée elle du Livre de l’Ecclésiastique (Si 1, 28) déployée dans une grande fugue vocale. Le premier élan est très moralisateur, poussant le chrétien vers le haut, l’idée complémentaire (le cœur faux) est traitée au contraire en piquant du nez et de façon chromatique, ce qui accentue l’impression tordue.
Comment ensuite appréhender la cantate dans sa totalité ? A priori de façon très symétrique : deux groupes d’interventions solistes identiques (récitatif + air) mènent à une conclusion collective (choral).
Le premier récitatif est remarquable de fluidité, la musique amplifiant l’intention des mots. Il dresse un tableau sévère : la plupart des chrétiens ont la foi tiède ou débordent d’orgueil. Les reproches se muent en colère et le ténor poursuit son intervention dans un air tendu. La musique est cinglante, elle tape sur la table et quand elle se fait plus douce, c’est manifestement pour singer cette foi trop mièvre.
Voici maintenant le bon exemple. C’est la basse qui va le présenter. La basse est la tessiture associée au Christ chez Bach. Même s’il ne s’agit pas d’incarnation, ce timbre de voix ramène à la scène biblique qui définit la bonne conduite.
Peut-être la leçon de moral s’arrête t-elle ici, les deux personnages ayant été opposés dans les récitatifs. L’air qui arrive en effet prend une tout autre direction, ce n’est plus le commentateur ou le prédicateur qui parle, c’est l’âme seule, devant Dieu soudain, repentante et humble.
Surprenant changement d’ambiance donc.
Les deux hautbois qui ont mis leur mordant à l’unisson des violons dans le premier air deviennent maintenant comme deux mains qui se tordent de remords (le texte compare aussi le péché à une maladie qui ronge le corps). Le chant est engagé, large, sincère mais aussi fragile : il tend vers l’aigu mais se courbe toujours plus, il s’enfonce comme le chrétien qui appelle au secours.
C’est un chant de pénitence qui conclut la cantate. Bach se livre à un exercice qu’il affectionne : il prend deux cantiques anciens, garde le texte de l’un, la mélodie de l’autre et profite de la symbolique cumulée. Le choral suggéré par sa musique est des plus emblématiques du monde luthérien : Wer nur den lieben Gott läßt walten (celui qui laisse Dieu seul décider). Bach l’a utilisé dans plusieurs cantates, l’une (BWV 93) lui est entièrement consacrée. Il l’a également traité à l’orgue.
Christian Leblé
La présentation complète de chaque cantate jouée dans ce cycle au temple du Foyer de l’Âme est accessible sur le site Les Cantates