Les concerts du mois – Janvier 2024
Les Cantates
Dimanche 7 janvier
à 17h30
Cantate BWV136
« Erforsche mich, Gott, und erfahre mein Herz »
coordination Elisabeth Joyé
La cantate Erforsche mich, Gott, und erfahre mein Herz a été conçue par Bach pour le temps liturgique d’après la fête de la Trinité et jouée à Leipzig le 8 juillet 1723. S’appuyant sur l’évangile du jour qui dénonce les faux prophètes, elle affirme l’omniscience de Dieu par laquelle le mal sera démasqué.
Même si ce programme paraît intimidant, les voix, s’emparant d’un thème énoncé par le cor, se jettent sans appréhension dans le chœur d’ouverture. Très volontaire, celui-ci brandit une phrase tirée des Psaumes (Ps 139, 23) dont Bach réussit à ne pas rompre la continuité, bien qu’elle soit longue. La deuxième partie est introduite très vite, tout en restant sous-jacente, puis après une brève pause instrumentale comme si ce corps vivant se retournait, elle prend le dessus. On suit attentivement les complexes combinaisons tuilées, on repère des élans très clairs, notamment des effets de surenchère, des crans vers l’aigu, comme si les chrétiens appelaient Dieu à voir toujours plus profond en eux. Et soudain un appel compact «Prüfe mich!» (éprouve-moi !) avant la reprise du thème par le cor qui n’a pas une seconde de répit.
L’effort a été si intense que le ténor soupire puissamment. Ses mots paraphrasent le Sermon sur la montagne rapporté par l’apôtre Matthieu (Mt 7, 15-23) dans lequel le Christ interroge «cueille t-on des raisins sur des épines ?».
Ce récitatif prépare un air pour alto qui répond au chœur d’ouverture : en chacun Dieu aura vu clair, et les hypocrites pâtiront de sa colère. Le ton est étonnamment calme, inéluctable. On pense aujourd’hui que Bach a repris cette musique d’une cantate plus ancienne. Dans cette partition écrite en trio pour hautbois, voix et basse continue, il a ajouté une partie centrale, plus agitée, où pointe la menace du Jugement dernier. On quitte alors la prophétie biblique nimbée de l’étrange sonorité du hautbois d’amour. Et pendant un instant «on y est», malmené sous la punition divine, avant que la musique ne retrouve sa pulsation initiale.
Le second couple récitatif-air qui nourrit cette cantate inverse la perspective. Ce n’est plus l’impérieuse loi divine qui s’exprime mais l’homme s’efforçant de s’y conformer. Et au point de contact des deux mondes se trouve la vie terrestre du Christ.
Le récitatif est empreint de douceur à son évocation. L’air en duo qui lui répond articule la chute terrestre d’Adam qui fait de tout humain un pécheur avec la rédemption portée par le sacrifice du Christ. De façon très imagée, la première partie semble s’effondrer en cascades instrumentales nombreuses et les deux voix sont agencées pour exprimer la souffrance tandis qu’ensuite la musique se redresse et que les vocalises miment le sang christique sur la croix avec une gourmandise de vampire.
Un choral ancien vient conclure modestement la cantate. C’est Wo soll ich fliehen hin (Où puis-je m’enfuir ?) de Johann Heermann (1585-1647) que Bach rehausse de nombreux ornements.
Christian Leblé
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