Les concerts du mois – Avril 2020
Pour la première fois depuis 20 ans, il n’y aura pas de cantate jouée au Foyer de l’Âme ce premier dimanche du mois.
Alors nous vous proposons ce mois-ci, si vous souhaitez respecter malgré tout cette tradition de façon virtuelle, d’écouter une cantate datant d’il y a tout juste 13 ans ! C’était au Foyer de l’Âme, le 1er avril 2007.
Pour le plaisir, grâce à Christian Leblé, vous trouverez donc les différentes parties de la cantate BWV 214b à écouter sur la page SoundCloud du projet Les Cantates.
Et voici, ci-dessous également, un court extrait vidéo de cette cantate yiddish.
Bonne écoute !
Les Cantates
Dimanche 1er avril 2007
Cantate BWV 214b “Freyt zich ir yidn”
Coordination artistique Freddy Eichelberger
Avec l’aimable autorisation des musiciens.
Vidéo privée, à ne pas diffuser.
L’ouverture d’archives de l’ex-URSS jusqu’ici inaccessibles permit en 2006 la redécouverte de la cantate Freyt zich ir yidn.
Infatigable chercheur dont l’opiniâtreté fut plusieurs fois récompensée, le Prof. Felix Krummschwull, directeur de l’Institut de Musicologie de Dresde fut stupéfait quand , cet après-midi de juin, à Moscou, il tira d’un dossier mentionnant la ville de Leipzig (tombée aux mains de l’Armée Rouge en 1945) la partition d’une can- tate totalement inconnue, dont les paro- les étaient en…yiddish!
La stylistique musicale désignait à coup sûr Bach ainsi que la paléographie. La partition portait la mention abrégée « jüd. Ostern Wiln. 1741 », c’est-à-dire « Pâque juive, Vilna, 1741».
Les recherches aussitôt entreprises dans les archives de la communauté juive de Vilnius confirmèrent qu’il s’agissait d’une commande passée par la Grande Synagogue de Vilna (aujourd’hui Vilnius).
La relative proximité géographique Leipzig-Vilna et l’unité politique que formaient la Saxe, la Pologne et la Lituanie, font que tout naturellement les juifs de Vilna s’adressèrent à Bach.
C’est un «juif de cour», Aiziklein von Fehlgeburt (1701-1758), anobli par Auguste III, qui reçut mission du Grand Rabbin de Vilna de commander à Bach une cantate pour célébrer la Sortie d’Egypte de l’année 5501 du calendrier hébraïque, à savoir l’an de grâce 1741. Le baron Fehlgeburt était accompagné dans sa visite à Bach par son intendant, Mikhul Furunkelsthal. Il est probable que le livret de la cantate fut élaboré par Fehlgeburt et Furunkelsthal, qui fournirent une traduction du yiddish en allemand, afin de faciliter à Bach sa compréhension profonde du texte. Bach répondit en livrant ce qu’il avait de plus beau. Il n’hésita pas à reprendre deux chœurs de l’Oratorio de Noël (initialement composés pour la cantate BWV 214, d’où le numéro de cette cantate).
Très intéressé par le colori instrumental, Bach choisit également d’associer à l’orchestre le chofar, instrument religieux juif, ainsi que la Großkuhhorn (grande corne de vache et non corne de grosse vache comme mentionné dans le premier enregistrement discographique de cette cantate). Même si le chofar n’est requis qu’à Rosh Hashana et Yom Kippour, Bach voulut souligner la symbolique de la parole divine avec des cornes d’appel (chofar et cornet à bouquin), notamment dans l’aria de ténor de l’oracle rabbinique. Quant à l’aria pour soprano qui met en scène la femme du rabbin, il anticipe remarquablement sur les processus d’acculturation, emprunts et adoptions par lesquels deux sociétés évoluent au contact l’une de l’autre, qui se manifesteront de façon très vive deux siècles et demi plus tard.
Christian Leblé
→ http://www.lescantates.org/