Le concert du mois – Novembre 2022
Les Cantates
Dimanche 6 novembre
à 17h30
Cantate BWV 38
« Aus tiefer Not schrei ich zu dir »
Coordination artistique Frédéric Rivoal
La cantate Aus tiefer Not schrei’ ich zu dir a été composée en 1724 à Leipzig pour le 21e dimanche après la Trinité, le 29 octobre.
Son titre ressemble beaucoup à celui d’une autre cantate, Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir (BWV 131). Leur source est bien la même, c’est le Psaume 130, le De Profundis latin (De profundis clamavi ad te domini …). Luther traduisit lui-même en allemand ce texte de lamentations et puisqu’il était aussi musicien y adjoignit sa propre musique, forgeant ainsi l’un des cantiques les plus importants de la Réforme naissante.
Bach a choisi d’abriter sa cantate sous ce cantique ancien.
Le chœur d’introduction cite le premier verset du De Profundis en allemand. Les voix entrent en décalage : ténors puis altos puis basses et enfin, s’élevant de ce bouillonnement organisé, les sopranos chantent en notes longues le texte et la mélodie originale de Luther. Apesanteur solennelle.
A l’autre extrémité de la cantate, en conclusion, Bach utilisera le dernier verset de Luther, cette fois sans tuilage, dans sa simplicité de choral, juste harmonisé à quatre voix.
Entre ces deux piliers, Bach paraphrase le reste du psaume.
C’est d’abord un récitatif d’alto, parfait dans sa façon d’exprimer chaque mot, soyeux pour parler de Jésus, chaotique pour désigner Satan et le péché.
Il débouche sur un remarquable air de ténor, véritable petit théâtre sonore comme souvent dans les cantates. Qu’est-ce qui nous saisit le plus ? La figure aussi stable que dynamique de la basse continue ? Les deux hautbois dont les aigus étirés menacent de claquer comme des élastiques ? Ou l’urgence du chant ? Tout y est, les souffrances, le soutien infaillible de la bonté divine et l’homme angoissé qui veut croire.
Car le ton n’est pas rassuré, cela s’entend !
D’ailleurs le récitatif qui suit le dit bien : cette foi est faible …
Etrange récitatif, beaucoup moins parlé que le premier. Son accompagnement est bien plus qu’un simple soutien harmonique… La basse continue, en fait, « chante » la mélodie du cantique de Luther, sous la voix de soprano. Ce n’est pas évident à entendre, car l’attention est attirée par la voix. Mais symboliquement c’est comme un filigrane, une preuve d’authenticité : les mots sont lestés par l’arrière-plan.
L’air qui s’annonce est dans le même équilibre précaire que le précédent. Les trois voix sont d’abord nouées serré, pour figurer une chaîne de malheurs, et leurs lignes se distendent ensuite quand s’annonce la consolation qu’apporte Dieu.
Quand arrive le choral final, le psaume délivre la fin de son message, dans son dernier verset : Dieu sauvera le monde. La vision est achevée, mais le retour au ton lamenté dit bien que tout reste à faire.
Christian Leblé
Les Cantates.org