Prédication du 29 septembre 2024

Avec les jeunes du KT

de Dominique Imbert-Hernandez

Le temple

Lectures bibliques

1 Corinthiens 3, 16

16 Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?

Marc 11, 15-18

15 Ils arrivent à Jérusalem. Entré dans le temple, il se mit à chasser ceux qui vendaient et ceux qui achetaient dans le temple ; il renversa les tables des changeurs et les sièges des vendeurs de colombes. 
16 Et il ne laissait personne transporter un objet à travers le temple. 
17 Il les instruisait et disait : N’est-il pas écrit :
Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations.
Mais vous en avez fait une caverne de bandits.
18 Les grands prêtres et les scribes l’entendirent ; ils cherchaient comment le faire disparaître ; ils avaient peur de lui, parce que toute la foule était ébahie de son enseignement.

Prédication

Voici 8 jours, lors des journées du patrimoine, les visiteurs du Foyer de l’Âme ont pu découvrir ce temple, prendre connaissance de son histoire, de son architecture et des éléments remarquables qui s’y trouvent grâce aux explications préparées par Hadrien. Il y a de quoi dire !
Aujourd’hui, c’est le premier culte avec Inès, Hector et Titouan et c’est en pensant particulièrement à eux que j’ai choisi ces deux textes bibliques où il est question de temple.
Alors rassurez-vous, d’une part il ne sera pas question de l’architecture du Foyer de l’Âme et d’autre part, vous tous et toutes qui n’êtes pas en année de catéchisme, vous pouvez quand même rester.
Qu’est-ce qu’un temple ? C’est la question KT d’aujourd’hui.

Le temple dont il est question dans les évangiles, dans cet extrait de l’évangile de Marc, c’est le temple de Jérusalem, le lieu central du judaïsme au temps de Jésus. C’est un temple selon le sens donné à ce mot dans les religions, c’est-à-dire un lieu mis à part pour manifester, assurer, conforter la religion et la relation entre la divinité et ses fidèles. C’est un lieu sacré, régi par des prêtres et des rites, où rencontrer la divinité, non qu’elle y soit enfermée, mais c’est là que lui sont offerts sacrifices et prières et que sont célébrées les cérémonies des grandes fêtes et celles prescrites dans la religion.
Il en est ainsi pour le temple de Jérusalem : un lieu sacré et un lieu de sacrifices.
Ce qui n’est pas le cas du Foyer de l’Âme. Un temple protestant n’est pas un lieu sacré et aucun sacrifice n’y est célébré. Cependant, le terme temple a été choisi par les protestants pour signifier l’enracinement de la foi chrétienne dans la foi du peuple d’Israël en dépit des ruptures de l’histoire. C’est que Jésus de Nazareth était juif. Il n’a jamais cherché à établir une autre religion, cela s’est produit après lui. En revanche, Jésus s’indignait contre les pratiques qui éloignaient les croyants de la volonté de Dieu et il voulait donner à nouveau à la foi le sens de cette volonté. C’est ainsi que ce jour à Jérusalem, Jésus chasse les marchands du temple et enseigne ce que doit être un temple et ce qu’il ne doit pas être. Un temple comme maison de prière et pas comme caverne de bandits.
En cela, Jésus reprend nombre d’exhortations des prophètes d’Israël, Esaïe, Jérémie, Amos par exemple, qui ont souvent critiqué le temple. En effet, quand le temple est un lieu du sacré et des sacrifices, il devient aussi un lieu tourné vers le pouvoir et le commerce : le pouvoir des religieux qui en assurent le fonctionnement et le commerce obligatoire pour acheter les animaux des sacrifices et les services des prêtres. Et cela prend le pas sur la justice, la compassion, l’amour du prochain, la solidarité.
C’est donc au commerce que Jésus s’en prend en renversant les tables des changeurs d’argent -puisqu’à Jérusalem circulent des monnaies de toutes les provinces de l’empire romain- et les sièges des vendeurs de colombes destinées aux sacrifices.
Mais vous l’avez entendu, les grands-prêtres et les scribes qui travaillent pour le temple se sentent menacés : leur pouvoir qui est lié au commerce pourrait aussi être renversé, et leurs convictions remises en cause. C’est pourquoi ils cherchent un moyen de faire disparaître Jésus, un moyen de se débarrasser de lui. Ils y arriveront et le feront condamner à mort. Jésus est crucifié parce qu’il a remis en question le pouvoir du temple en révélant et manifestant que l’Éternel se soucie de tous et toutes sans avoir besoin des sacrifices ni de la religion.
A la mort de Jésus, pour ses disciples, le temple perd son caractère de lieu sacré où rencontrer Dieu. C’est un autre récit qui raconte que le voile du temple se déchire, le voile qui séparait le lieu réservé à Dieu du reste du temple.
Un temple protestant correspond à ceci : un lieu sans sacrifice et un lieu qui n’est pas sacré. Il répond à ce que Jésus enseigne en rappelant la parole transmise par le prophète Ésaïe : ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples (Es 56,7).

Une maison de prière, nous pouvons comprendre une maison où prier. Non qu’il faille venir au temple pour prier. Nous pouvons prier en tous lieux : chez soi, dans la nature, dans le métro, n’importe quel jour et à n’importe quelle heure. Cependant la prière est une manière de désigner la vie intérieure de la foi. Prier, c’est une manière de se mettre en relation avec Dieu, l’écouter, lui exprimer ce que nous avons dans le cœur. Cela implique de comprendre qui est ce Dieu, à quoi il nous appelle, vers quoi il nous oriente, ce qu’il donne, de quoi il libère. C’est ce que nous faisons en venant au temple pour le culte ou pour la pause spirituelle. Nous entretenons notre relation à Dieu, ce qui a toujours des conséquences sur notre manière d’être avec les autres, notre manière d’être humain. Une maison de prière, c’est une maison où nous prenons soin de notre dimension spirituelle intérieure et en ce sens, le nom de ce temple-ci : le Foyer de l’Âme est très parlant. Bien sûr, nous pouvons prendre soin de notre âme dans d’autres lieux. Le temple n’est pas exclusif, le culte peut être célébré ailleurs que dans un temple.

Dans un temple protestant, quatre éléments sont toujours présents pour signifier que la confiance en Dieu et le sens de notre existence sont accordés, accrochés à Jésus-Christ qui nous les révèle.
Le premier élément, c’est la Bible ouverte pour signifier la place incontournable de la lecture des Écritures pour nourrir, éclairer la foi et la vie, pour rendre compte des quêtes, des questions, des errances, des dangers, des louanges et des lamentations, qui animent, guettent, habitent les croyants, pour témoigner de la fidélité, de l’amour, de l’œuvre de Dieu. La Bible non comme livre de solutions, mais comme source d’images et de mots et de pensées, et comme miroir de l’âme et de l’existence. Des Écritures dans lesquelles se lève la Parole de Dieu qui n’est pas des mots mais une énergie, une puissance qui touche et transforme, qui suscite et même ressuscite l’être humain.

Le deuxième élément, c’est la chaire, le lieu de la prédication. Parce que la lecture des Écritures est toujours interprétations, au pluriel, des textes bibliques et que ces interprétations retentissent dans l’interprétation des existences et du monde. Qu’y a-t-il dans un texte qui nous aide à comprendre Dieu, notre vie, ce qui nous environne ? Qui nous aide à grandir, à avancer ? Qui nous interpelle ? Qui nous engage ? Dont nous pouvons témoigner ? La prédication est au cœur du culte réformé, il n’y a pas de culte sans prédication.

Le troisième élément, c’est la croix. Discrète ici. Il y en a une autre en haut de la chaire, et une autre sur le pied du baptistère. Une croix nue symbole du Christ vivant. Elle rappelle à la fois la mort et la résurrection de Jésus-Christ, le pouvoir de ce qui l’a tué et la puissance qui l’a relevé. Elle rappelle le choix de Dieu pour celui qui a été condamné comme un criminel et ce choix manifeste que personne n’est indigne, que personne n’est exclu, que personne n’est renié par Dieu. « Une maison pour tous les peuples » disaient Ésaïe et Jésus. La croix dans le temple signifie que le pouvoir de la force, de l’argent, du savoir ou du prestige penche facilement du côté de la mort et pas de la vie, abîmant l’humain, même celui qui use de ce pouvoir.

Le quatrième élément, c’est la table de communion, une table et pas un autel, une table pour un repas, pain et vin partagés en signe de la vie du Christ qui nous est donnée, en mémoire de ce que Jésus-Christ a révélé, en encouragement pour notre vie quotidienne. Ce repas que nous appelons la Cène est offert, c’est-à-dire sans mérite ni condition. Nous l’appelons aussi communion et nous y mettons en scène par un cercle et par le partage l’union à Dieu, au Christ et les uns avec les autres.

Ces quatre éléments, Bible, chaire, croix et table, renvoient ce qui nourrit la foi, l’âme, la vie, à ce qui les vivifie, ce qui les élargit, ce qui les approfondit. Ils ne valent pas par eux-mêmes, comme objets. S’ils ne renvoient plus à rien, ils ne servent à rien, ils n’ont plus de sens.

Mais cela ne suffit pas. Une maison de prière ne l’est que par la prière, c’est-à-dire par celles et ceux qui s’y rassemblent.
Un temple, c’est le lieu d’une assemblée, celles et ceux qui cherchent sens, nourriture, confiance. Cette quête n’est jamais seulement personnelle et individuelle. Chaque foi singulière a besoin d’autres fois singulières pour ne pas devenir sa propre référence, sa propre norme, sa propre idole. L’assemblée n’est pas une addition de personnes mais une mise en relation et en participation. Écouter, chanter, prier ensemble : l’assemblée est le lieu suscité par l’Évangile la Bonne Nouvelle pour tous et toutes : je ne peux pas rester seule dans mon coin. C’est ainsi le lieu des reconnaissances mutuelles les uns des autres et de la reconnaissance commune et partagée envers Dieu.
Alors il faut encore autre chose dans un temple maison de prière, maison de vie de la foi, maison de confiance en la vie donnée. Dans l’assemblée, pour elle, sur nous, en nous, entre nous : l’Esprit de Dieu, le Souffle

que nous invoquons au début du culte et avant la lecture des Écritures,
l’Esprit qui nous unit et qui nous dispose chacun et ensemble à la prière, à l’écoute, au chant, au silence, à laisser Dieu nous rencontrer,
l’Esprit qui nous accompagne au-dehors, dans la rue, les maisons, les villes, le quotidien, souffle de Dieu pour sortir du temple.

Alors l’apôtre Paul écrit : Vous êtes le temple de Dieu et l’Esprit de Dieu habite en vous. Le temple n’est plus un bâtiment. Cependant, il y a deux manières de comprendre : ce vous est-il chacun de vous ce qui met en valeur la vie intérieure et la foi personnelle à nourrir et entretenir, ou est-ce vous tous ensemble ce qui met en avant la solidarité, la communion ?
Ne choisissons pas, gardons les deux compréhensions, chacun et ensemble maison de prière pour tous et toutes,

chacun en ouvrant sa prière à tous et toutes,
et ensemble en accueillant sans condition celles et ceux qui viennent.

Vous êtes le temple de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en vous.