Prédication du 2 janvier 2022

de Didier You

Hérode et les mages

Lectures : Matthieu 2, 1-12Luc 2, 1-20 

Lectures bibliques

Matthieu 2, 1-12

1 Après la naissance de Jésus, à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem 
2 et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui. 
3 A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 
4 Il rassembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ. 
5 Ils lui dirent : A Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l’entremise du prophète :

6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certainement pas la moins importante dans l’assemblée des gouverneurs de Juda ; car de toi sortira un dirigeant qui fera paître Israël, mon peuple.

7 Alors Hérode fit appeler en secret les mages et se fit préciser par eux l’époque de l’apparition de l’étoile. 
8 Puis il les envoya à Bethléem en disant : Allez prendre des informations précises sur l’enfant ; quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi je vienne me prosterner devant lui.

9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Or l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les précédait ; arrivée au-dessus du lieu où était l’enfant, elle s’arrêta. 
10 A la vue de l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. 
11 Ils entrèrent dans la maison, virent l’enfant avec Marie, sa mère, et tombèrent à ses pieds pour se prosterner devant lui ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. 
12 Puis, divinement avertis en rêve de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Luc 2, 1-20

1 En ces jours-là parut un décret de César Auguste, en vue du recensement de toute la terre habitée. 
2 Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. 
3 Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville. 
4 Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée, dans la ville de David appelée Bethléem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David, 
5 afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte.

6 Pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait accoucher arriva, 
7 et elle mit au monde son fils premier-né. Elle l’emmaillota et l’installa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle.

8 Il y avait, dans cette même région, des bergers qui passaient dans les champs les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux. 
9 L’ange du Seigneur survint devant eux, et la gloire du Seigneur se mit à briller tout autour d’eux. Ils furent saisis d’une grande crainte. 
10 Mais l’ange leur dit : N’ayez pas peur, car je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie qui sera pour tout le peuple : 
11 aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. 
12 Et ceci sera pour vous un signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. 
13 Et soudain il se joignit à l’ange une multitude de l’armée céleste, qui louait Dieu et disait :

14 Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et, sur la terre, paix parmi les humains en qui il prend plaisir !

15 Lorsque les anges se furent éloignés d’eux vers le ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : Allons donc jusqu’à Bethléem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. 
16 Ils s’y rendirent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph, et le nouveau-né couché dans la mangeoire. 
17 Après l’avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant. 
18 Tous ceux qui les entendirent s’étonnèrent de ce que disaient les bergers. 
19 Marie retenait toutes ces choses et y réfléchissait. 
20 Quant aux bergers, ils s’en retournèrent en glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, conformément à ce qui leur avait été dit.

Prédication

Introduction

« Comme les rois mages, en Galilée, suivaient des yeux l’étoile du Berger … »
Voilà ce qui arrive lorsque l’on écrit une chanson en référence à un texte biblique sans l’avoir relu.
Les « mages » ne sont pas des « rois ». C’est une vieille tradiction certes qui les a faits « rois », et Sheila n’y est pour rien, sans doute pour expliquer que les « rois » devaient s’incliner devant la Papauté. Il en est ainsi en France, en Espagne (los Reyes magos), mais pas en anglais, où on les appelle « wise men » (les « sages »).
Cela ne se passe pas en Galilée, mais en Judée. Nazareth est en Galilée, Bethléem est en Judée. Et si l’on suit l’Etoile du Berger, on finit par tourner en rond dans le désert, comme les Dupondt.
Pour revenir aux fondamentaux, pas au fondamentalisme, prenons le texte et voyons ce qu’il nous dit.

Les personnages

D’abord les personnages en présence.
Hérode : Il s’agit d’Hérode le Grand, « ethnarque » (chef du peuple) du peuple juif, fait « roi ami de Rome » par Marc Antoine. Grand bâtisseur : il a restauré de façon gigantesque le Temple de Salomon, sans doute pour s’attirer les bonnes grâces de ses nouveaux sujets. Les travaux furent achevés après sa mort. Et, ce fut éphémère, l’armée romaine de Titus a rasé le Temple en 70.  Il en reste comme vous savez un vestige impressionnant : le Mur des Lamentations, mur de soubassement du Temple.
C’était aussi un potentat tyrannique. Il a fait tuer plusieurs de ses enfants et une de ses épouses. Comme tout dictateur il était un peu paranoïaque. Notons parmi ses successeurs Hérode Antipas, qui fit exécuter le Baptiste, et Hérode Agrippa qui persécuta les Chrétiens… et Bérénice.
Au passage, relevons qu’il est mort en 4 avant Jésus-Christ, et donc que notre calendrier chrétien est entaché d’une erreur de calcul dès le début. Si l’on se fie au récit de Luc, Jésus est né en 6 après JC, soit 12 ans d’écart entre les deux versions !

Les Mages : Ce sont des astrologues venus d’Orient (Babylone peut-être). Nous ne savons pas combien ils sont, nous ne connaissons pas leurs noms. Et ils ne viennent pas de trois continents différents (Afrique, Asie, Europe). Au dernier verset de la péricope, ils repartent vers leur pays, au singulier. Tout cela a été ajouté par la tradition.

Nous mettons ces sympathiques inconnus dans nos crèches pour Noël, ce qui est un contresens. L’étable et la crèche (mangeoire), sont dans le récit de Luc. Et ce sont les bergers qui viennent là adorer l’Enfant. Dans l’Evangile de Matthieu, Jésus naît à Bethléem dans la maison de Joseph, pas dans une étable. C’est là que les mages arrivent.
Comment sont-ils arrivés là ? Ils n’ont pas suivi d’étoile. Ils ont vu une nouvelle étoile se lever (signe de la naissance d’un grand personnage), en ont conclu qu’un Roi des Juifs était né. Et ils se sont mis en route. L’étoile est seulement revenue indiquer la maison de Joseph. C’est Hérode qui les a envoyés vers Bethléem.

Les mages sont en général mal vus dans la Bible. Ce sont des magiciens, des charlatans, des sorciers, opposés aux prophètes, qui, eux sont de grands hommes de foi. Souvenons-nous de Simon le magicien, ce personnage louche et intéressé. Qu’ont-ils à nous dire ces « bons » mages ? Ou plutôt, que veut nous dire Mathieu à travers cette histoire ?

Si vous le permettez, je ne vais pas suivre la chronologie. Je vais commencer par la fin. « Divinement avertis en rêve, ils ont regagné leur pays par un autre chemin ». Ils ne sont pas allés révéler à Hérode où se trouvait le « roi des juifs », ce qui eût mis en danger le nouveau-né, bien sûr. Vous savez que alors Hérode a ordonné en vain le « massacre des Innocents » pour se débarrasser d’un potentiel rival au trône.

La désobéissance

Les mages ont donc désobéi à l’ordre royal. Il faut parfois désobéir à un ordre injuste. Les sages-femmes égyptiennes, dans le Livre de l’Exode, ont désobéi à Pharaon et n’ont pas tué les enfants juifs. Mathieu a très consciemment reproduit dans son Evangile des épisodes de la vie de Moïse.
Et c’est parce qu’ils ont obéi, et seulement obéi que les accusés de Nuremberg et Eichman ont été condamnés.
Je ne vais pas vous dire que la loi de Dieu est supérieure à la loi civile… Dans une démocratie, un Etat de droit, en principe, il n’y a pas opposition entre ces deux corpus juridiques. En principe…
Mais ce peut être long… Un seul exemple : Cédric Herrou, qui avait aidé à partir de 2016, des réfugiés venus d’Italie et de plus loin, après qu’ils aient passé les Alpes, a fini par se voir relaxer du délit d’aide au séjour irrégulier. Il a fallu un arrêt du Conseil Constitutionnel du 6 juillet 2018, un changement législatif, un arrêt de la Cour de Cassation du 12 décembre 2018, et un autre arrêt du 31 mars 2021 de la Cour d’Appel de Lyon, pour que le « délit de solidarité » disparaisse de notre droit.

Cédric Herrou n’agissait pas ainsi parce que « divinement informé en songe ». Je ne connais pas ses convictions religieuses. Mais, c’est la même chose : le devoir d’humanité et de solidarité découle de principes humanistes, les mêmes que ceux que Dieu nous a enseignés en disant d’aimer son prochain comme soi-même.

Où est le roi ?

Revenons à notre texte de l’Epiphanie.
Des mages (des astrologues) ont vu se lever une étoile. Leur science (car pour eux c’était une science) leur a fait comprendre que c’était un signe annonçant la naissance du Roi des Juifs.
En bonne logique, ils se sont dirigés vers la capitale, Jérusalem, et vers le Palais Royal, et ils ont rencontré Hérode.
Ce sont donc des païens, qui, en quête d’un Roi, vont se retrouver dans la maison d’un modeste charpentier de Bethléem, descendant très lointain de David, quand même. Ils vont faire des cadeaux à l’enfant : l’or (pouvoir royal), l’encens (pouvoir religieux) et la myrrhe que l’on peut interpréter comme annonce de la Croix, cette substance servant à l’embaumement.
C’est la foi qui les a conduits là, alors que ce sont des païens, et même des magiciens, des sorciers.
Le « Roi » , le vrai, Jésus, n’est pas dans un palais, il est dans une modeste maison. Il est nouveau-né, fragile, menacé.
Cet épisode met le christianisme sous les signes de l’universalisme, de l’humilité et de la précarité.
Hérode, lui, Juif (encore que…), ayant à sa disposition les Ecritures dans sa bibliothèque, et commandant aux scribes et aux prêtres, n’est au courant de rien. Et lorsqu’on lui signale la vérité, il n’a de cesse de la supprimer.
La richesse de cet épisode est justement de mettre en parallèle les mages, païens éclairés, ayant compris spontanément la vraie royauté de Jésus, et Hérode, Roi des juifs (selon la loi civile) qui n’y a rien compris, et se sent menacé. Le Royaume de Jésus n’est « pas de ce monde ». Il le dira plus tard à Pilate.

Conclusion

Nous avons le choix entre ces deux attitudes. Nous pouvons rester dans notre palais, nos habitudes, refuser la réalité de l’Evangile, comme Hérode.
Nous pouvons aussi agir comme les Mages. Notre étoile à nous, c’est l’Evangile, allons à sa rencontre.