Prédication du 23 avril 2017
de Valérie Lobry-Granger
Le bon samaritain
Lecture : Luc 10, v 25 à 37
« Un docteur de la loi se leva, et dit à Jésus, pour l’éprouver : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Jésus lui dit : Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ? Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même. Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras. Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ?
Jésus reprit la parole et dit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s’en allèrent, le laissant à demi-mort. Un sacrificateur, qui fortuitement descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre. Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre. Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit. Il s’approcha, et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers, es donna à l’hôte, et dit : Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : va, et toi, fais de même. »
Frères et sœurs, chers amis, je suis heureuse d’avoir partagé avec vous ce matin la lecture de quelques très beaux textes, qui font plaisir à lire et plaisir à entendre : l’Ecclésiaste, le psaume 121, et enfin cette magnifique parabole du bon samaritain, qui m’a tout spécialement émue, car c’est déjà Madeleine qui l’avait lue lors de notre mariage dans ce temple lorsqu’elle avait tout juste 6 ans ; heureuse aussi de m’attaquer à cette parabole, une des plus connues de l’Evangile, un texte qui a fait du terme de Samaritain le nom commun utilisé pour qualifier tous ceux qui viennent en aide aux autres.
Que voit-on dans ce texte ? Un docteur de la loi, donc de ceux qui font autorité chez les juifs, mais qui cherchent toujours à piéger Jésus, qui lui pose une première question « que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? ». Jésus, qui doit se méfier des questions des dignitaires juifs, répond par une autre question « qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ? » L’homme, qui est un casuiste, spécialiste des écritures, lui répond en citant les deux premiers commandements : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme, de toute ta force, de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même ». Jésus lui confirme « fais cela, et tu vivras ». L’histoire pourrait se terminer là, sans autre commentaire, après tout les commandements sont la base de toute pratique religieuse chez les juifs, mais l’homme insiste, avec cette question bien évidemment fondamentale « et qui est mon prochain ? »
Comme souvent, Jésus répond non pas à nouveau par un commandement, mais par une mise en situation. La parabole du bon Samaritain, c’est un peu la tarte à la crème de l’Evangile : un message ultra simple (d’un côté l’homme humble, gentil et spontané, de l’autre les religieux puissants indifférents au malheur de leurs semblables), une fable morale que tout le monde peut comprendre et s’approprier, la preuve, ce bon Samaritain qui a traversé les âges jusqu’à devenir un nom commun ;
A cette question « qui est mon prochain ? » qui a taraudé l’humanité entière depuis Jésus, la réponse n’est pas si simple : d’abord parce que le « prochain » qu’on voit apparaître dès le Deutéronome ou du Lévitique (André Gounelle nous rappelle que la majorité des rabbins enseignaient que les prochains se limitaient aux juifs), n’a pas le même sens que celui de l’Evangile, et aussi parce que d’évidence, soyons honnêtes, on ne peut pas aimer tout le monde, c’est-à-dire n’importe qui. Trop de perfection, trop d’efforts, trop d’irréalisme. Je ne peux pas, autant que je ne veux pas aimer tout le monde. Je veux choisir, sélectionner mon prochain, mon frère, mon clan. Aimer les miens par obligation et par coutume. Ce bon sens apparent fort bien partagé qui, sous prétexte de proximité, dresse les uns contre les autres parce qu’il refuse l’universel.
Rappelons l’anecdote de la comptine citée par JM Le Pen « j’aime mieux ma fille que ma nièce, ma nièce que ma cousine, ma cousine que ma voisine, etc… »
Qui est mon prochain, qui est notre prochain ? Mon frère, mon père, l’homme que je croise au coin de la rue ou dans la synagogue ? Est-il réellement proche ou vraiment lointain ? Me ressemble-t-il ou pas ? Partageons-nous la même race, la même religion, le même Dieu, le même peuple ? Existe-t-il un portrait-robot de mon prochain, qui me permettrait de mettre en pratique un commandement de façon simple, comme le souhaitaient les juifs au temps de Jésus ?
Je voudrais partager avec vous quelques réflexions que m’inspire la question du docteur de la loi, et surtout les réponses de Jésus. Pour moi, cette question et cette réponse de Jésus en forme de parabole, c’est une leçon de vie.
Une leçon de vie en trois étapes principales, que je voudrais aborder avec vous ce matin :
Une leçon de vie contre l’indifférence
Une leçon de vie contre la peur
Une leçon de vie pour nous pousser à l’action.
1) Une leçon de vie contre l’indifférence
« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho ». Pas « un juif », ou « un Romain » ou « un docteur de la loi », non, « un homme descendait de Jérusalem à Jéricho ». Dans tout ce texte, Jésus qualifie précisément tous les personnages (un sacrificateur, un lévite, un samaritain), mais l’homme, le blessé, lui il reste « un homme ». Celui dont on ne dit rien. Dont on ne sait rien. Ni s’il est riche, intelligent, juif, esclave, marchand, berger, ou roi, c’est « un homme ». Et c’est la première chose importante, qui fait de cette parabole un texte à portée universelle. On pourrait remplacer « un homme par « n’importe qui », ou « quelqu’un », ce serait la même chose. En d’autres termes ce n’est pas parce que cet homme fait partie de mon clan que je dois m’occuper de lui, c’est juste parce qu’il est blessé et que c’est « un homme ».
Immédiatement après, Jésus raconte un truc simple : le prochain, c’est celui dont on s’approche.
Par ordre d’entrée en scène, le sacrificateur et le lévite passent sur le chemin, voient le blessé (c’est bien précisé), et continuent leur chemin. La route de Jérusalem à Jéricho, c’est bien connu, c’est une route dangereuse, on ne s’y attarde pas. Certes, les spécialistes nous disent qu’ils ont de bonnes raisons pour cela : tous deux sont des dignitaires du culte juif qui vont peut-être officier à leur arrivée à Jéricho. La loi juive leur interdit de pratiquer le culte si leurs mains sont souillées de sang. Il est donc probable qu’en un quart de seconde ils ont remarqué le blessé, et aussitôt évacué la possibilité de lui venir en aide, de peur de ne pas arriver à temps, ou de ne pas respecter la loi. La fameuse loi qui est la colonne vertébrale de la religion juive. Ou peut-être tout simplement ils ont eu peur d’un guet-apens, ils ont redouté d’être eux-mêmes attaqués. Et une minute après ils ont oublié l’homme blessé, qui ne fait partie ni de leur vie, ni de leur cercle, et dont personne ne saura qu’ils ne l’ont pas aidé.
Le Samaritain, à l’inverse, passe, voit, et s’approche, « ému de compassion ». Cet homme ne lui est rien, mais c’est un homme. Un homme blessé, qui a besoin de secours. Et à ce moment précis, il est le prochain de cet homme. Les Juifs méprisent les Samaritains, qu’ils considèrent comme des mécréants capables même de s’adonner aux rites païens ; l’accès au temple leur est refusé. Bien que ce point soit controversé, ils se sont séparés des juifs car ils ne supportaient pas la centralisation du pouvoir au temple. Les Samaritains sont peut-être un peu les protestants des juifs ?
Il faut donc que le héros du jour soit le Samaritain, considéré comme indigne du temple, mais pour lequel la transgression des règles va de soi lorsqu’il s’agit de sauver un homme. A-t-il eu peur de l’homme à terre ? A-t-il pensé qu’il allait être en retard à son rendez-vous ? A-t-il réfléchi au peu d’argent qui lui restait pour finir son voyage et qu’il lui faudrait peut-être dépenser pour cet homme qui ne lui est rien ? L’histoire nous montre un homme qui se lance immédiatement dans l’action, sans réfléchir, car l’urgence et les circonstances lui commandent un comportement de secouriste. Qui ne regarde pas non plus s’il y a des témoins de son geste ou pas.
Combien de fois par jour passons-nous à côté d’un homme qui pourrait être notre prochain ? Que nous le connaissions ou non, combien de fois par jour sommes-nous réellement disponibles, sans contrainte, pour quelqu’un ?
Chacun d’entre nous partage son temps entre travail, famille, courses, activités et obligations diverses qui laissent peu de temps réellement disponible pour le reste : écouter, regarder, observer, être attentif à ceux qui en ont besoin. Combien de fois disons-nous « je n’ai pas le temps » ? à notre fils qui nous reproche de ne lui parler que de ses résultats scolaires? A notre collègue de bureau, que nous avons vu pleurer plusieurs fois sans prendre une minute pour lui tendre la main ? à notre conjoint qui a besoin de notre présence alors que nous regardons une série télévisée ?
Combien de fois sommes-nous passés dans l’indifférence auprès de cette famille qui dort sous un porche à deux rues de chez vous ?
Le plus triste est de constater que ce peu de temps disponible est souvent passé sur nos smartphones, sur les réseaux sociaux, happé par les relations virtuelles et les malheurs bien loin de nous… On ne regarde plus l’autre dans la rue, dans les transports, mais on a les yeux vrillés sur l’écran de son téléphone. On croit avoir accès au monde, et en fait on se coupe du quotidien, en se mettant soi-même en scène de façon totalement artificielle. Comment dans ces conditions permettre à l’autre de vous prendre comme prochain ?
Première réponse : Le prochain ne se programme pas. Il est celui qui nous dérange, qui bouleverse notre emploi du temps. Le caillou dans la chaussure, l’imprévu qui nous retarde. Rien ni personne ne peut l’inscrire sur notre agenda.
2) Une leçon de vie contre la peur
Au temps de Jésus-Christ, le monde extérieur fait peur, les guerres tribales sont incessantes ; l’appartenance à un groupe est donc un gage apparent de sécurité. On a peur de la différence, du lointain, du hors clan. Passer au-delà de son premier cercle (famille et proches), c’est quasiment impossible.
Encore aujourd’hui, on a peur du différent, qu’il soit proche ou lointain. Bien sûr, les clans ne sont plus les mêmes, On se crée de nouvelles tribus, sociales, professionnelles, religieuses encore. On se reconnait entre soi, sans se risquer vers l’extérieur. L’avocat français rencontre des avocats américains ou chinois, avec lesquels il s’est connecté sur Linked In, ils se retrouvent dans les mêmes restaurants fréquentés par les mêmes avocats ou les banquiers qu’ils connaissent dans toutes les grandes villes de la terre, ou choisissent les parrains de leurs enfants parmi les anciens de leur promo de grande école. Mais lorsque le même avocat français sort de chez lui, jamais il n’ira s’asseoir à côté du SDF qui dort devant sa porte, et lui proposer un café. Encore moins engager la conversation avec cette bande de jeunes de banlieue qui lui casse les oreilles avec sa musique et sa révolte. Bref nous n’avons aucune chance, aujourd’hui encore plus qu’hier, de rencontrer le différent.
Plus encore que la différence, nous ressentons vite une menace avec ceux qui ne nous ressemblent pas : les mendiants, les roms, l’immigré, le handicapé dérangeant, les jeunes, les vieux, les tondus, les chevelus, les tatoués, etc….
Jésus au contraire s’intéresse à tous les marginaux, les hors nomenclature, les impurs, pour leur rendre leur dignité : Zachée le collecteur d’impôts, la Samaritaine qui lui donne de l’eau, le serviteur du centurion romain, la femme adultère, autant de laissés pour compte qui ne sont jamais regardés, jamais considérés par les Juifs. C’est une vraie leçon car c’est de loin le plus difficile, au temps de la bible comme aujourd’hui. Dialoguer, essayer de comprendre, éventuellement construire avec les ennemis d’avant, avec les inconnus différents, c’est ce qui fait de nous les prochains qui cassent les barrières et apaisent les tensions.
2ème réponse, saisissante, celle du philosophe Ivan Illitch, mort en 2002. Il dit : le Samaritain, c’est un Palestinien d’aujourd’hui qui viendrait, après la bataille, au secours d’un soldat israélien blessé, alors que sa communauté lui commande de le tuer.
3) Une leçon de vie pour nous pousser à l’action
Dans la parabole, Jésus opère un renversement spectaculaire. Pour lui, le prochain n’est pas le blessé, mais le Samaritain. Il fait comprendre que la question du docteur de la loi est mal posée. Ainsi formulée (qui est mon prochain ?) on se perd dans la théorie, sans jamais agir. Mais lorsqu’on dit, comme Jésus « de qui suis-je le prochain ?, on est déjà au travail. Aimer, c’est agir, sans attendre, sans se poser des tas de questions ou évoquer les interdits, les lois, les scrupules, et aussi sans regarder autour de soi et sans avoir peur.
Aimer, c’est relever son rideau de fer et recueillir les rescapés du Bataclan pendant la nuit du 15 novembre 2015 ; c’est porter secours à cet homme qui souffre dans la rue ; c’est écouter ces enfants et ces femmes victimes de violences et les protéger ; c’est soigner les malades, former les handicapés pour leur offrir une vie plus digne, bref c’est devenir le prochain de tous ceux qui en ont besoin. Pas tous bien sûr, mais ceux que Dieu met sur notre route. Bien sûr on peut dire que ce n’est pas notre problème, que l’Etat peut s’en occuper, les associations, les professionnels, les pasteurs…
Aimer son prochain, ce n’est pas fulminer contre le manque de sécurité sur la route entre Jérusalem et Jéricho et appeler les pompiers. C’est agir immédiatement pour sauver l’homme qui est sur cette route. C’est bien cela que Jésus nous dit : l’amour agit. Le prochain dévie sa propre route pour emprunter celle de l’autre, ne serait-ce que provisoirement. Il donne à l’autre sa propre place et adopte la sienne, sans attendre quoique ce soit en échange. Tout de suite et à court terme. Et il revient tranquillement à ses propres obligations lorsque la situation est réglée.
D’ailleurs, l’injonction n’est pas que personnelle. Elle débouche aussi sur des attitudes collectives. C’est une tradition ancienne en Europe : les églises et leurs représentants s’occupent autant des pauvres que de de Dieu. A la fin du XIXe siècle, une bascule s’opère. Avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les rôles évoluent. D’un côté, le mouvement social va déboucher sur les mutuelles, première construction autonome de la solidarité au sein de la classe ouvrière. De l’autre, ce que l’on a appelé le christianisme social se développe. C’est bien de prier Dieu, disent ces chrétiens sociaux, mais ce serait encore mieux de s’occuper de nos frères humains. On trouve dans cette tendance Marc Sangnier chez les catholiques, et chez les protestants Wilfrid Monod et Charles Wagner, qui s’engagent de manière très active pour les personnes en grande difficulté dans leur quartier : la Clairière à l’Oratoire, qui a permis d’aider des milliers de familles à surmonter leurs difficultés matérielles dans le respect de la dignité humaine, et qui a en particulier sauvé de la déportation des dizaines et des dizaines d’enfants juifs (pasteur Paul Vergara). Pauvreté, exclusion, délinquance, contre lesquelles Charles Wagner s’est également battu toute sa vie dans nos locaux du Foyer de l’âme, défendant ainsi cette idée du Christianisme social, un christianisme engagé dans la vie de nos semblables, pour secourir les hommes que nous cotoyons tous les jours et qui n’ont pas la même chance que nous.
La vraie question qu’on peut se poser aujourd’hui autour de l’action sociale, c’est « est-ce qu’on a encore besoin de Jésus-Christ pour cela ? » En vérité, en particulier depuis la fin du XXème siècle, et même si nous assistons à un certain renouveau de l’intégrisme, on voit globalement dans les pays développés un certain déclin de la pratique religieuse, et un relais pris par la société civile. Il y a aujourd’hui bien des associations qui se créent sans aucune obédience chrétienne ou religieuse, et qui font un travail remarquable sur le terrain. Je citerai deux d’entre elles qui font ce travail de proximité et qui vraiment forcent l’admiration :
Singa qui met en relation des jeunes immigrés en attente de permis de séjour et des familles qui peuvent les accueillir chez eux pendant quelques jours, une sorte d’RB&B des réfugiés qui compte des milliers de volontaires.
Le Carillon, qui permet aux sans-abris de trouver chez des commerçants identifiés des services basiques qui leur facilitent grandement la vie : utiliser des toilettes, partager un café, avoir accès à une trousse de médicaments ou à une connexion wifi
Au fond, je suis persuadée que Jésus Christ ne fait aucune différence entre le prochain qui agit au nom de Dieu ou pas, comme il le montre bien avec le Samaritain ; et je pense que l’important c’est qu’aujourd’hui encore il se reconnaîtrait dans ces associations, qu’elles soient d’origine religieuse ou non. Entre la foi et l’amour du prochain, il ne fait aucune hiérarchie, mais démontre à chaque instant à quel point l’un conduit à l’autre, et inversement.
3ème réponse de Wilfred Monod : « mieux vaudrait avoir vécu sans religion que d’avoir vécu sans amour. Mieux vaudrait avoir servi Jésus-Christ sans le nommer que d’avoir nommé Jésus-Christ sans le servir ».
Conclusion
Au terme de ces trois points, la leçon de Jésus est claire : le prochain, ce n’est pas moi qui le choisis, mais c’est celui qui me choisit, c’est celui qui fait de moi son prochain, qui se fait si proche que je deviens son prochain. Celui qui est là à un instant T et que Dieu a mis sur mon chemin. Et celui dont je m’approche. Il est impossible de savoir par avance qui le sera et qui ne le sera pas. On n’est pas le Samaritain de tout le monde, et on n’est pas le Samaritain tout le temps. Jésus sait, et il nous le montre dans bien des passages de l’Evangile, que les hommes sont faillibles, que trop souvent l’indifférence ou la peur l’emportent sur tout autre sentiment humain. Pensez par exemple aux disciples juste avant la crucifixion : sur les 12, l’un l’a trahi, un autre l’a renié, et pas un ne l’a suivi. Aucun n’a été réellement le prochain de Jésus. Pour autant, on ne peut pas dire qu’il les a condamnés ! Mais il attend de nous un geste, un petit mouvement supplémentaire et spontané qu’on ne ferait peut-être pas sans lui.
Sommes-nous sacrificateurs ou lévites ? ou samaritains ? ou tous à la fois selon les moments ? Jésus ne condamne pas l’un ou l’autre, ce qui compte c’est que l’un d’entre eux sauve le blessé.
Etre le prochain de quelqu’un au bon moment : peut-être pas aujourd’hui, mais demain. Prendre conscience que c’est difficile mais qu’on va essayer. C’est le mendiant auquel on ne donne rien qui fait qu’on donne au suivant qu’on rencontre. L’image du Samaritain est l’un des plus beaux cadeaux que Jésus nous ait fait, car elle nous permet de rester éveillé, de rester disponible, d’être prêt à agir.
Le dernier cadeau enfin, c’est le futur utilisé dans le commandement « tu aimeras ton prochain comme toi-même »; il n’est ni à l’impératif, ni au présent. Ce futur est à la fois une proposition, et une promesse.
Amen